Le problème n'est pas que le Hamas reconnaisse ou non Israël

Publié le par Adriana Evangelizt

Le problème n'est pas que le Hamas reconnaisse ou non Israël

 

par Henry Siegman, directeur du Projet US/Moyen-Orient
Financial Times, le 8 juin 2006

 

L'espoir ténu d'éviter l'effondrement total des territoires occupés palestiniens (sans parler de celui d'adopter un jour la solution à deux Etats) ne repose pas sur l'initiative de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité Palestinienne, de soumettre la formule des deux Etats à un référendum populaire, mais sur le refus du Hamas de jouer selon les vieilles règles israéliennes. Ces règles ont eu pour effet d'éliminer la perspective d'un Etat palestinien viable et elles étaient destinées justement à cet effet.

Il n'est pas question pour le Hamas que la reconnaissance d'Israël par les Palestiniens se produise sans la reconnaissance par Israël des droits nationaux des Palestiniens. De même, ce n'est que la fin de l'occupation et l'acceptation par Israël du principe selon lequel aucun changement des frontières d'avant 1967 ne peut avoir lieu sans l'accord des Palestiniens (un principe enchâssé dans la feuille de route qu'Israël prétend avoir acceptée) qui constitueront, aux yeux du Hamas, une telle reconnaissance.

Efraim Halevy (le très respecté expert israélien en sécurité) pense que les efforts israéliens et américains de renverser le régime du Hamas sont malavisés. M. Halevy, un faucon qui a été à la tête du Mossad, l'agence de renseignement israélienne, sous cinq Premiers ministres, et qui a servi en tant que conseiller à la sécurité nationale d'Ariel Sharon, est convaincu que ces efforts nuisent aux intérêts vitaux d'Israël.

Son point de vue a choqué les membres de la Conférence des Présidents des Principales Organisations Juives Américaines lors du discours qu'il leur a tenu récemment à New York. Cela fait déjà un certain temps qu'il pense ainsi. En septembre 2003, il avait dit qu'Israël devrait signifier au Hamas que "s'il entrait dans la composition de l'establishment palestinien, nous ne verrions pas cela comme un développement négatif. Je pense qu'à la fin il n'y aura aucun autre moyen pour le Hamas d'être un partenaire dans le gouvernement palestinien". À l'époque, lorsque le Hamas ne recueillait le soutien que d'un cinquième de population palestinienne, M. Halevy avait dit : "Quiconque pense qu'il est possible d'ignorer un élément aussi central de la société palestinienne se trompe tout simplement". C'est encore plus vrai aujourd'hui, alors que le Hamas bénéficie d'un soutien majoritaire.

Interrogé le week-end dernier sur la télévision israélienne comment il pouvait justifier sa défense d'engager le dialogue avec une organisation terroriste qui ne reconnaît pas à Israël le droit d'exister, M. Halevy a tourné en ridicule l'affirmation périmée sous-entendue dans la question. Ne regardez pas la rhétorique du Hamas, a-t-il dit, regardez ce qu'il fait : Il y a 18 mois, le Hamas a déclaré la trêve et il n'a commis depuis aucun acte terroriste contre Israël. Malgré le refus du Hamas de modifier son rejet théorique d'Israël, Ismail Haniyeh, le Premier ministre du gouvernement conduit par le Hamas, a ordonné à ses ministres de rechercher une coopération pratique avec leurs homologues israéliens. M. Haniyeh a aussi confirmé que la trêve auto-déclarée par le Hamas est à durée indéterminée.

Pourquoi Israël devrait-il se préoccuper de savoir si le Hamas lui accorde le droit d'exister ? a demandé M. Halevy. Israël existe et la reconnaissance ou la non-reconnaissance par le Hamas n'ajoute rien ou ne retire rien à ce fait irréfutable. Mais 40 ans après la guerre de 1967, un Etat palestinien n'existe toujours pas. Donc, la question au sujet des conséquences politiques est de savoir si Israël reconnaît aux Palestiniens le droit d'avoir un Etat, pas l'inverse.

Selon le critère de M. Halevy, consistant à regarder ce que ce gouvernement fait, pas ce qu'il dit, il est clair qu'Israël - hormis ses nombreuses déclarations contraires - ne reconnaît pas aux Palestiniens le droit d'avoir un Etat en Cisjordanie et à Gaza. La position du gouvernement d'Ehud Olmert est que le droit d'Israël d'annexer à volonté toutes parties du territoire palestinien à l'Est des frontières d'avant 1967 est au-dessus de tous les droits des Palestiniens. Ceci est implicite dans la décision du gouvernement israélien, selon laquelle un gouvernement palestinien qui ose souhaiter mettre à l'ordre du jour des négociations de paix les changements territoriaux faits unilatéralement par Israël en Cisjordanie - ou la question des réfugiés palestiniens - ne peut pas être un partenaire pour la paix.

Les "concessions" d'Israël, telles que le retrait de Gaza et l'isolement des implantations de Cisjordanie, sont destinées à servir les intérêts limités d'Israël. Ainsi que l'Observatoire du Règlement de La Paix Maintenant l'a fait remarquer, Israël continue de peupler ses implantations existantes et d'étendre les frontières territoriales des implantations, pour s'étendre encore plus. Dans ces circonstances, ce n'est pas le refus du Hamas d'accepter la volonté d'Israël qui est déroutant, ce qui est déroutant c'est le soutien de la communauté internationale - et en particulier de l'Union Européenne - aux efforts israéliens d'isoler et de renverser le Hamas.

Le gouvernement israélien n'a laissé aucun doute sur le fait que même si le référendum promis par Abbas passait à une large majorité (effectivement, même si le Hamas s'y engageait), Israël ne l'acceptera pas comme base pour un processus démocratique et procédera de manière unilatérale à l'établissement de ses frontières avec les Palestiniens. Que cela arrive et l'on verra si les dirigeants européens continueront de soutenir les courbettes incurables de Washington aux politiques israéliennes de droite ou s'ils se rallieront à la volonté politique de réengager le dialogue avec l'Autorité Palestinienne et d'apporter les soutiens politique et économique nécessaires à la réalisation des droits nationaux palestiniens ? La réponse à cette question pourrait très bien déterminer l'avenir de toute la région.

Traduit de l'anglais parJean-François Goulon - QuestionsCritiques

Posté par Adriana Evangelizt


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