Les Etats-Unis repensent leur relation avec Israël
Les Etats-Unis repensent leur relation avec Israël
par Corine Lesnes
Le premier geste de sa présidence avait été d'appeler le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Et 119 jours plus tard, Barack Obama s'entretient pour la première fois, ce lundi 18 mai, avec le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, à la Maison Blanche. Iran, processus de paix, dénucléarisation du Proche-Orient : les enjeux sont élevés alors que Washington tente de passer d'une position de soutien sans faille à Israël à celle de faiseur de paix dans la région.
Après cet entretien, le président américain doit recevoir, le 26 mai, son homologue égyptien Hosni Moubarak, et le 28 mai, M. Abbas. Il a prévu ensuite de s'adresser directement au monde arabe le 4 juin, au Caire. Une conférence internationale - vieille idée de la Russie - pourrait suivre.
Quand M. Obama a pris ses fonctions le 20 janvier, l'opération israélienne sur Gaza s'achevait. Depuis, l'administration américaine s'est mise en position d'écoute. Les quelques décisions qu'elle a eu à prendre, sur le financement de la reconstruction ou l'attitude à l'égard du Hamas, n'ont pas permis de distinguer d'orientation très arrêtée. Gaza reste absent des débats. "Cela va être le nom qu'on n'entend pas", anticipe Daniel Lévy, ancien collaborateur d'Ehoud Barak, et membre de la New America Foundation, un cercle de réflexion de gauche à Washington.
M. Obama a nommé un envoyé spécial, George Mitchell, l'architecte de la réconciliation irlandaise, qui a déjà effectué trois tournées dans la région. Mi-avril, à Jérusalem, il a fait savoir que le président américain est partisan d'une approche globale, comprenant la Syrie et le Liban, et qu'il entend intégrer l'Initiative arabe de 2002. Elargie en 2007, celle-ci prévoit une normalisation des relations entre l'ensemble des pays arabes et Israël, en échange d'un retrait israélien sur les lignes de 1967, de la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, et un règlement "équitable" de la question du retour des réfugiés.
M. Obama a martelé ce qu'il juge essentiel : la solution "des deux Etats". Son conseiller à la sécurité nationale, le général James Jones, n'a pas démenti avoir assuré à un ministre européen que M. Obama souhaitait avancer vers la création d'un Etat palestinien avant la fin de son mandat et qu'il allait être "plus ferme" à l'égard d'Israël que l'administration Bush.
A quelques jours de la rencontre, les Américains se sont employés à dissiper l'idée d'une collision "inévitable" entre M. Obama et M. Nétanyahou. "A moins qu'ils sortent de la Maison Blanche avec des bleus, la rencontre sera présentée comme un succès", prévoit Daniel Lévy. La plupart des experts jugent probable que le premier ministre israélien fera un geste pour accepter les deux Etats, une solution préconisée par George Bush depuis 2002. Comme le dit Elliott Abrams, ancien chargé du dossier auprès du président Bush et farouche défenseur d'Israël, "Ariel Sharon avait accepté la "feuille de route" (un plan de paix international prévoyant la création d'un Etat palestinien). Nétanyahou peut facilement dire la même chose, ce qui suppose qu'il accepte les deux Etats en général."
L'administration Obama a précisé ses souhaits : arrêt de la colonisation, démantèlement des implantations "sauvages" et libre circulation des Palestiniens. Dans sa tournée des capitales, George Mitchell a aussi avancé certaines idées, affirme le Washington Post. Les pays arabes pourraient, par exemple, autoriser le survol de leur territoire par les avions commerciaux israéliens, échanger des diplomates, faire cesser la propagande anti-israélienne dans les médias et dans l'éducation. En contrepartie, Israël gèlerait la construction des colonies. Ce schéma repose sur l'idée que "ce que fait Israël pour les Palestiniens, les Arabes le feront pour Israël", explique M. Levy, sceptique. Selon lui, un tel "découpage en petits morceaux" aboutirait facilement à un enlisement sans fin.
Le premier ministre israélien vient, lui, avec une autre priorité : l'Iran. Alors que l'administration Bush rejetait le "linkage" - le lien entre l'Iran et le conflit israélo-palestinien -, il est maintenant sur toutes les lèvres. Mais le gouvernement israélien estime qu'il serait suicidaire de s'engager dans le règlement du problème palestinien alors que l'Iran fait peser une menace "existentielle" sur l'Etat juif. L'administration américaine, de son côté, considère que s'engager vigoureusement dans un règlement israélo-palestinien ôterait des arguments à ceux qui se méfient des intentions des Etats-Unis et d'Israël. "Vision simpliste, rétorque le républicain Elliott Abrams. Cela revient à dire que la solution au nucléaire iranien se trouve en Cisjordanie."
De mauvaise grâce, les Israéliens ont dû se résoudre à ce que leur protecteur américain choisisse la voie de la négociation avec Téhéran. Selon la presse, le directeur de la CIA, Leon Panetta, qui s'est rendu en Israël il y a deux semaines, s'est entendu réclamer une date butoir pour cette négociation. Le département d'Etat a démenti.
Dans la communauté juive, les appréhensions sont parfois fortes, nourries par une petite phrase de Rose Gottemoeller, chargée du désarmement au département d'Etat, affirmant que les Etats-Unis étaient favorables à la signature par Israël du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Or, aucun gouvernement américain (ou européen) ne mentionne jamais les capacités nucléaires de l'Etat juif.
"Parler de l'arme nucléaire israélienne serait un changement dans la politique américaine, dit M. Abrams. Ce serait inacceptable pour un gouvernement israélien, quel qu'il soit."
SourcesLe Monde