L'agression israélienne barbare contre le Liban 4ème partie
L'agression israélienne barbare contre le Liban
Mobiles géostratégiques et enseignements pour tous
par Mahi Ahmed
4ème partie
Il est utile de donner encore la citation suivante tirée de son livre Islam Quarto, publié chez Gallimard en 2005 : « Les ressentiments actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux, lorsqu’on s’aperçoit qu’ils résultent, non pas d’un conflit entre les Etats ou des nations, mais du choc entre deux civilisations.
Commencé avec le déferlement des Arabes musulmans vers l’Ouest et leur conquête de la Syrie, de l’Afrique du Nord et de l’Espagne chrétiennes, le ‘’grand débat’’ entre l’Islam et la chrétienté s’est poursuivi avec la contre-offensive chrétienne des Croisades et son échec puis avec la poussée des Turcs en Europe, leur farouche combat pour y rester et leur repli. Depuis un siècle et demi, le Moyen-Orient musulman subit la domination de l’Occident - domination politique, économique et culturelle, même dans les pays qui n’ont pas connu un régime colonial. Je me suis efforcé de hisser les conflits du Moyen-Orient, souvent tenus pour des querelles entre Etats, au niveau d’un choc des civilisations. » Pour Lewis, la nationalisation du canal de Suez, la chute du Chah et la révolution iranienne de 1979, la résistance tenace du peuple palestinien face à l’occupation israélienne et pour leur Etat indépendant les résistances au Liban, en Irak et même les conflits du Kosovo et de la Bosnie ont tous pour cause la haine de l’Occident et de ses valeurs. Il ajoute pour mieux préciser le spectre qui hante l’Occident : « L’Islam, qui est faible depuis deux siècles, a toujours cherché des appuis pour combattre son ennemi : la démocratie occidentale. Il a d’abord soutenu les puissances de l’axe contre les alliés puis les communistes contre les USA, ce qui a abouti à deux désastres. » L’islamisme chiite, qui dirige l’Iran, qui active et développe, selon des voies différentes, des organisations paramilitaires modernes et fortement armées au Liban, comme le Hezbollah en Irak ou l’armée du Mahdi de Moktada Sadr ou la milice de Abdelaziz Hakim ; qui anime une sorte d’international chiite à travers le monde, confère, du point de vue de l’Administration américaine actuelle à l’Iran, placé dans son environnement moyen-oriental et asiatique et sous l’angle de ses richesses naturelles, une très forte pondération géostratégique. De ce fait, l’agression israélienne contre le Liban est une guerre préparant ses prochains prolongements iraniens, syriens et asiatiques.
Les objectifs des états-unis
En visant la destruction totale de l’organisation de la puissance de feu et de nuisance matérielle et logistique du Hezbollah de même que l’isolement politique de ce dernier sur le plan de la classe politique libanaise et arabe proche ou dépendante de l’Occident, cette agression poursuivait les objectifs suivants : désarmer l’islamisme chiite au Liban et sécuriser, surtout par la présence d’un important contingent de troupes étrangères avec un mandat musclé, les frontières de ce pays avec Israël et avec la Syrie. Cela vise à mettre hors service toutes les possibilités logistiques terrestres, maritimes et aériennes susceptibles d’être utilisées pour le réarmement du Hezbollah, la restauration de ses structures paramilitaires et de sa puissance de feu et vise aussi à rendre inopérant toute tentative d’utilisation du Hezbollah et de ses forces armées comme maillon éprouvé dans une probable confrontation avec la Syrie ou l’Iran. Affaiblir sensiblement et isoler l’islamisme chiite libanais pro-iranien et au-delà l’islamisme politique recourant à la violence armée dans la scène arabe et mondiale tout en renforçant les courants de confession musulmane qui acceptent de coopérer où dans les intérêts de pouvoir et financiers sont fortement liés aux puissances occidentales. Cela vise aussi à maîtriser l’Islam, à le contenir en jugulant les bouillonnements sociaux et politiques qui le traversent et le bousculent. Cela veut dire à l’instar de ce qui se fait en Afghanistan, en Irak ou ailleurs, faire face au spectre de l’islamisme, en mettant aux « ordres » l’aire arabo-musulmane et surtout ses forces politiques dirigeantes.
La restructuration, la « sécurisation et la stabilisation » du Grand Moyen-Orient Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine aux Affaires étrangères, a lors de sa première tournée tardive en Israël et au Liban après l’intervention massive de Tsahal sur le territoire libanais, déclaré avec une grande impudence : « Le temps est venu pour un nouveau Moyen-Orient », alors que l’urgence résidait à arrêter la nouvelle guerre en imposant un cessez-le-feu immédiat. Sa démarche relevait, de fait, de considérations stratégiques dont la guerre était justement l’un des maillons et tant que cette guerre n’avait pas atteint les buts fixés, elle devait continuer et tous les efforts devaient être entrepris pour contenir les pressions internationales, faire traîner les délibérations du conseil de sécurité, pour lui donner le temps nécessaire d’aboutir. C’est que cette guerre représente une étape opérationnelle du plan revu et corrigé du Grand Moyen-Orient (GMO). Ce dernier est définit comme le Moyen-Orient élargie à l’Iran et la Turquie. C’est cela le noyau de l’échiquier eurasien dont parle Zbigniew Brzezinski. Le Moyen-Orient, secoué et modelé au gré des puissances coloniales, principalement la Grande-Bretagne et la France a, tout au long du XXe siècle suscité un intérêt grandissant pour les Etats-Unis en liaison, entre autres, avec les trois facteurs suivants : la mise à jour des énormes réserves énergétiques de cette région et principalement l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe persique, l’importance géostratégique de cette aire géographique dans le cadres des luttes et des intérêts multiformes qui découlaient des rapports de forces complexes imposés par la guerre froide et du rôle qu’y occupait Israël, les dimensions prises par le développement et la combativité du nationalisme arabe, catalyseur des luttes de libération nationale des pays arabes encore sous le joug colonial et maillon actif dans le mouvement anti-impérialiste mondial et dans le mouvement des non-alignés.
Les USA se sont attelés, en s’appuyant sur leurs gigantesques compagnies pétrolières, à s’assurer durablement le contrôle des ressources énergétiques de la région au niveau de l’exploration, de la production, du transport et de la commercialisation. Leur compagnie pétrolière, l’Aramco, est devenue par exemple en Arabie Saoudite un véritable Etat dans la royauté et le véritable centre des décisions. Les USA s’étaient aussi assurés le contrôle du pétrole iranien et celui de l’Iran en faisant échouer les nationalisations des industries pétrolières initiées par Mossadegh et en faisant du Schah un allié et un serviteur loyal. La gestion stratégique du Moyen-Orient par les USA visait en gros deux objectifs majeurs : assurer le contrôle et la sécurité des sources et installations énergétiques pour le plus long terme, veiller en intervenant directement ou indirectement dans les modulations des rapports de forces nationaux, ou dans la région même à contribuer à créer une sorte de stabilité ou d’équilibre même instable en fonction des évolutions du rapport de force mondial déterminé par le mouvement des intensités de la guerre froide. Les USA se sont trouvés confrontés, à partir du début des années 1950 avec l’onde de choc déclenchée par la révolution des officiers libres en Egypte à quatre dynamiques qui ont travaillé en profondeur les sociétés arabes et la région du Moyen-Orient dans son ensemble et bien au-delà : le Nassérisme comme expression moderne du nationalisme arabe orienté vers la libération nationale et sociale et dont le rayonnement et la force de l’exemple étaient immenses et bien au-delà du monde arabe et islamique. Le courant Baâth, comme autre expression du nationalisme et du mouvement de libération arabe, organisé idéologiquement et politiquement sur le fondement de l’unicité de la nation arabe, plus porté sur certaines formes de modernité et de laïcité, mais mû par un centralisme autoritaire dont les conséquences ont été très coûteuses pour les pays qu’il a dirigés comme l’Irak ou la Syrie.
La problématique énergétique
Le mouvement de libération national palestinien dont la cause était, à des degrés divers, devenue celle de tout le monde arabe et musulmans au niveau des Etats, mais surtout au niveau des peuples. Cette cause était au centre de nombreuses guerres et crises importantes entre Israël, les combattants palestiniens et les Etats de la région. Le traitement injuste du problème palestinien par les USA et les puissances occidentales a été à la source de la détérioration des rapports de nombre de pays arabes des plus importants avec l’Occident. Cette situation a eu pour conséquence le renforcement des relations multiformes, notamment politiques et économiques avec l’URSS et les pays socialistes. L’armement lourd des principaux pays arabes était assuré par l’URSS et certains pays de l’Est. Ce qui attisait encore plus les tensions dans cette région. La place de plus en plus forte prise par l’influence soviétique au Moyen-Orient, modifiant sensiblement les rapports de forces internationaux y prévalant. De telles dynamiques ont conféré à cette aire géostratégique un caractère d’instabilité prononcé attisé par les enjeux que se disputaient les deux grandes superpuissances et les puissances occidentales entre elles, de même que par les luttes ouvertes ou sourdes autour des orientations et des tâches nationales et démocratiques du mouvement de libération national, dans chaque pays et à l’échelle de la région. La disparition de l’URSS et la dislocation du système socialiste mondial au début des années 1990 semblent avoir investi les USA de la responsabilité de l’unique superpuissance restante. La supériorité américaine était, alors, indiscutable dans les quatre domaines suivants de la puissance globale comme l’affirme Zbigniew Brzezinski. « D’une force et d’une présence militaires mondiales inégalables, d’une force économique agissant comme locomotive de la croissance mondiale, de l’avance technologique dans les plus importants secteurs d’avenir, de l’attrait que rencontre, à l’échelle mondiale et surtout chez la jeunesse, son modèle culturel.
Dans le cadre de l’instabilité du monde nouveau qui vient d’émerger avec la disparition de l’URSS, la nécessité de réaliser des équilibres géostratégiques nouveaux plaçait le GMO au centre des préoccupations prioritaires (pour les raisons avancées ci-dessus) des USA. Déjà en 1992, Paul Wolfowitz avait présenté un plan pour le nouveau Moyen-Orient au département de la défense. Les éléments de ce plan ont été affinés en 1996 par Richard Perle dans un document à l’intention du gouvernement israélien. L’ensemble des deux documents forment en fait la doctrine néo-conservateurs pour le GMO qui préconisaient l’élimination par la force des menaces que constituaient la Syrie et l’Iran et en commençant par mettre hors d’état de nuire leur front libanais. Ces plans ont été laissés pour un temps dans les tiroirs. L’instabilité du Moyen-Orient devenait, pour les USA, de plus en plus aiguë. Elle a été encore plus aggravée par les facteurs suivants : l’agression et l’occupation de l’Irak, par la politique colonialiste de Sharon à l’égard de l’autorité et du peuple palestinien, par la montée en puissance de l’Iran s’affirmant comme puissance régionale et de l’islamisme chiite, par le développement et le recours à la violence armée de l’islamisme politique, par l’autoritarisme des régimes arabes en place et leur incapacité chronique à faire face à l’aggravation des problèmes économiques, sociaux culturels et identitaires et aux multiples défis des dynamiques de la mondialisation.
C’est en novembre 2003, dans le feu de la guerre et de l’occupation de l’Irak, du développement des tensions en Asie centrale, sur les fronts de l’énergie et des matières premières fondamentales que W. Bush fait connaître son projet du Grand Moyen-Orient. Ce projet étai articulé sur deux axes principaux : le règlement du problème palestinien sur la base de l’existence des deux Etats israélien et palestinien, l’encouragement de la mise en œuvre des réformes démocratiques orientées sur le marché dans les pays arabes et musulmans, réformes visant à provoquer des changements positifs dans toute la région. Le problème palestinien n’a pas été réglé, bien au contraire, à cause du parti pris manifeste et actif des USA pour Israël. Le processus de démocratisation a été considéré par les régimes en place, l’exemple de l’Irak n’y a pas aidé comme une entreprise d’exportation de la démocratie occidentale et comme une ingérence dans les affaires intérieures. Le projet de W. Bush a connu un enlisement volontaire. Mais voilà que le terrorisme islamiste prend une dimension planétaire, que l’Irak, les USA et leurs alliés s’embourbent dans une complexité conjuguant le terrorisme islamiste, la résistance nationaliste, les confrontations ethniques, que l’Afghanistan n’est pas stabilisé et les talibans relèvent la tête et que l’Iran bombe le torse, s’affirme comme puissance régionale et active, directement ou indirectement les milices islamiques chiites au Liban, en Irak et veut s’engager avec fermeté dans l’enrichissement de l’uranium et dans le nucléaire. De tels développements, ajoutés à d’autres aussi importants sur le plan national américain et sur le plan international, ne sont pas pour faire remonter la perte vertigineuse de popularité de W. Bush et de son administration alors des élections parlementaires importantes se tiennent à courte échéance. C’est une telle situation qui explique la volonté des néo-conservateurs et de W. Bush de tenter de reprendre l’initiative en retirant des tiroirs, pour ce qui du Moyen-Orient, le plan Paul Wolfowitz complété par Richard Pearl, c’est-à-dire en fait un plan américano-israélien de sécurisation et de stabilisation musclé pour le GMO. La mise en œuvre a commencé avec le Liban, la suite viendra, car le troisième mobile géostratégique qui explique l’agression barbare contre le Liban est le suivant : la maîtrise durable des plus grandes réserves énergétiques du monde. Le Moyen-Orient et l’Iran recèlent d’énormes réserves en hydrocarbures. Ils disposent de grandes capacités de production, de raffinage ou de traitement et d’infrastructures diverses pour le transport des produits énergétiques destinés à la consommation nationale ou à l’exportation. Ils constituent, de ce fait, pour leurs importants partenaires, un facteur d’approvisionnement et de sécurité stratégique. Le président W. Bush avait, dès le début de son premier mandat, souligné la gravité de la problématique énergétique pour son pays. Les USA sont en effet les plus grands producteurs consommateurs et importateurs du monde. Avec une population qui représente, a peu près 5% de la population mondiale, l’Amérique participe à hauteur de 17% dans la production mondiale d’énergie. Si elle génère 30% du PIB de la planète, elle consomme environ 25% de l’énergie mondiale.
(A suivre)
Sources : El Watan
Posté par Adriana Evangelizt