Au Liban, les cibles n'avaient souvent rien de militaire

Publié le par Adriana Evangelizt

Voilà un article pour Dan Gillerman... qu'il voit qui sont les terroristes et les criminels de guerre. Qu'il ne rêve pas, le monde entier sait à quoi s'en tenir.

 

Au Liban, «les cibles n'avaient souvent rien de militaire»

 

par Claire Kaplun

envoyée spéciale à Aïta al-Chaab


Human Rights Watch recense les preuves qui laissent supposer que des crimes de guerre ont été commis durant l'été.

La camionnette s'accroche aux bouts de bitume encore visibles parmi les gravats. Elle grimpe cahin-caha la petite colline qui conduit au cœur du village, en faisant de nombreux détours pour éviter les trous dans la chaussée, les débris qui envahissent tout. Elle passe devant une carcasse de voiture. Laisse derrière elle ce qu'il reste de la mosquée. Puis s'arrête à ce qui a dû être un carrefour.

Deux enfants en descendent. Ils n'ont pas 10 ans, leur cartable sur le dos et l'uniforme de rigueur. Ils saluent l'homme assis derrière le volant et disparaissent au milieu des monceaux de ciment, de métal et de bois. Se glissent derrière un petit immeuble transformé en un mille-feuilles d'étages empilés les uns sur les autres.

Ces deux enfants et leurs familles sont revenus à Aïta al-Chaab dans les heures qui ont suivi le cessez-le-feu, le 14 août dernier. Tout comme Yossef, le chauffeur du bus scolaire. Ce père de famille chiite - comme l'ensemble des habitants de ce village du Sud-Liban, accroché à la frontière avec Israël - a eu de la «chance». Depuis quelques semaines, il a retrouvé un travail, à défaut de pouvoir accéder à ses champs, infestés de ces bombes à sous-munitions dont Israël reconnaît désormais avoir fait usage durant le conflit.

Bombardements incessants

La maison de Yossef est encore debout. Sans portes, ni fenêtres et avec un trou béant à la place de l'escalier extérieur et du balcon, mais debout. Une situation presque insolite dans ce gros bourg de quelque 6000 habitants qui a été comme rayé de la carte du Liban. Aïta al-Chaab a payé au prix fort sa position géographique. C'est là, juste de l'autre côté, de la frontière que le Hezbollah a mené l'opération (deux soldats de Tsahal enlevés, huit tués) qui a tout déclenché.

Dans l'heure qui a suivi, les bombes se sont abattues sur le village. Elles n'ont pas cessé pendant vingt jours. Ensuite, les troupes israéliennes sont arrivées et les combats au sol ont fait rage. Yossef et sa famille ont tenu douze jours, avant de fuir. Tous les habitants d'Aïta al-Chaab n'ont pas eu cette chance. Plusieurs d'entre eux viennent gonfler la liste des plus de 1200 victimes du conflit, recensées à ce jour côté libanais. Des civils pour l'essentiel. Morts en raison de l'«échec systématique d'Israël à distinguer entre civils et militaires», en raison aussi de sa «persistance à poursuivre les bombardements alors qu'il avait connaissance des nombreuses victimes civiles que ceux-ci faisaient».

Le constat de Human Rights Watch (HRW) est sans appel. «La majorité des civils tués l'ont été soit dans leur maison, soit sur les routes alors qu'ils fuyaient», explique Nadim Houry, juriste de formation et représentant de l'ONG à Beyrouth. Pendant la guerre, mais surtout depuis la fin des combats, les chercheurs de cette organisation américaine arpentent sans relâche villes et villages à la recherche de témoignages, de preuves des violations commises par les deux parties durant les combats.

Chaque décès est très précisément documenté. HRW s'attache à trouver des témoins des événements. Voisins, famille, autorités locales ou secouristes sont interrogés, les récits sont recoupés. Ils sont confrontés aux preuves matérielles, comme la présence de sous-munitions. Ses chercheurs se rendent sur la tombe des victimes. Le choix des versets du Coran inscrits sur les pierres, mais aussi des signes distinctifs du Hezbollah qui ornent l'une ou l'autre des sépultures, permet de confirmer si la victime était ou non un combattant.

A Qana, Srifa, Bint Jbeil, Aitaroun, Blida, Marwahin ou encore dans la banlieue sud de Beyrouth, des centaines de civils ont trouvé la mort. Human Rights Watch affirme que dans la plupart des cas documentés, les combattants du parti de Dieu n'étaient pas sur les lieux, ni à proximité. Certes, le Hezbollah n'est pas blanc comme neige. «Il a parfois créé un danger pour les populations civiles. Dans leur grande majorité toutefois, les cibles n'avaient rien de militaire», déplore Nadim Houry.

Pire, certaines «ont été visées intentionnellement», alors même qu'elles sont protégées par des conventions internationales. C'est le cas par exemple de ces ambulances qui gisent sur le bas-côté de la route entre Tyr, la grande ville du Sud-Liban, et la frontière. Défoncées, pulvérisées par des obus, elles étaient pourtant clairement identifiées et identifiables.

Au total, Human Rights Watch a déjà recensé une septantaine d'attaques qui ont coûté la vie à plus de 400 civils, dont de nombreux enfants de moins de 10 ans. Reste aujourd'hui à expliquer pourquoi ces gens sont morts. Et surtout si leur décès peut être considéré comme un crime de guerre. Les preuves s'accumulent en ce sens, «les présomptions sont fortes», lâche diplomatiquement Nadim Houry. Avant de préciser: «Toutes les morts de civils ne peuvent pas être assimilées à un crime de guerre.»

A Aïta al-Chaab, les habitants n'attendent rien ni du gouvernement ni de l'ONU. La Finul y est invisible. Elle n'est d'ailleurs pas la bienvenue. L'espoir repose désormais sur les épaules du Qatar, qui a «adopté» le village.

Sources Le Temps

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans ISRAEL LIBAN

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