Puissance d’un lobby : des évangéliques américains, fous de Dieu et d’Israël

Publié le par Adriana Evangelizt

Puissance d’un lobby :

des évangéliques américains, fous de Dieu et d’Israël

par Alain De Kuyssche


Ils sont plus de 80 millions, rien qu’aux Etats-Unis et constituent la dénomination chrétienne qui connaît la progression la plus impressionnante en Amérique latine, en Afrique, en Asie et même au Moyen-Orient. Présents aussi en Belgique et en Europe, les évangéliques abritent un courant puissamment pro Israël, qui infléchit l’attitude des candidat(e)s à l’élection présidentielle. Et veille à ce qu’ils ne faiblissent pas dans leur soutien à la Terre promise.

Retenez bien ces deux citations du livre de la Genèse : ‘L’Eternel dit à Abram : éloigne-toi de ton pays, de ton lieu natal et de la maison paternelle, et va au pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, et tu seras une source de bénédictions. Je bénirai ceux qui te béniront, et qui t’outragera je le maudirai’ (Genèse, 12 :1-3) ; ‘Ce jour-là, l’Eternel conclut avec Abram un pacte, en disant : J’ai octroyé à ta race ce territoire, depuis le torrent d’Egypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate’ (Genèse 15 : 18).

Il n’en faut pas plus pour qu’un lecteur littéral de la Bible, même non Juif, se mobilise en faveur de l’Israël d’Ehoud Olmert et de Benjamin Netanyahou - mais aussi pour un pays plus virtuel, plus mythique, en un mot, plus biblique.

Epuisons les arguments théologiques. Les Juifs religieux ne peuvent que faire leur ces promesses faites à Abram (Abraham), le père du peuple élu. Israël est bien la Terre promise. Du côté catholique, on estime que l’Eglise, ‘l’épouse de Jésus’, a remplacé Israël, du fait que les Juifs ont ‘rejeté’ Jésus.

Chrétiens unis pour Israël

Cette ‘théorie du remplacement’, inventée de toutes pièces vers le 3ème siècle, révolte les évangéliques qui, en conséquence, s’en tiennent à la lecture littérale de la Bible. Pour ce courant du protestantisme, considéré comme conservateur, Israël reste le territoire divin, et il s’agit de le défendre contre ses ennemis. Une enquête datant de 2003 montre que 73 % de ces chrétiens croient fermement que Dieu a donné Israël aux Juifs.

De ‘Je bénirai ceux qui te béniront’, les évangéliques déduisent qu’en défendant Israël, ils recevront à leur tour les bénédictions promises - et si les Etats-Unis apportent leur soutien à l’Etat hébreu, ils feront partie du peuple élu.

La vérité oblige à préciser que les 80 millions d’évangéliques américains ne sont pas tous acquis à ce point de vue. Mais c’est bien en leur sein que le pasteur texan John Hagee recrute ses partisans, le plaçant à la tête d’une ‘paroisse’ de 180.000 âmes.

Voici deux ans, il a créé les Christians United For Israel (Cufi - chrétiens unis pour Israël), puissant lobby qui a ses petites et grandes entrées jusqu’à la Maison Blanche.

Lors de la dernière convention des Cufi, John Hagee a lu les messages de soutien de George W. Bush et d’Ehoud Olmert. Représentants républicains et démocrates n’hésitent pas à s’afficher aux ‘rallyes de solidarité’.

Pourtant très prudente et attentiste, Hillary Clinton a tenu à renouveler son intention de soutenir inconditionnellement Israël - et les Cufi -, au cas où elle serait élue.

Au-delà des clivages politiques

Il faut savoir que l’épouse de Bill, sénatrice de l’Etat de New York, a été, si on ose dire, travaillée au corps par l’élu juif démocrate du Bronx, Elliot Engel, pour qui rien n’est trop beau pour plaire au pasteur Hagee, à ses ouailles et à Israël.

Considéré comme progressiste, Engel ne s’en trouve pas moins en parfaite osmose avec les Chrétiens Unis pour Israël, fondamentalistes que l’on imaginerait plutôt dans le sillage de la branche ultra du parti conservateur. Ceux qui ne partagent pas ses idées, Engel les fustige par ces paroles définitives : ‘Ce sont des ennemis qui parlent de Dieu, mais qui font l’œuvre de Satan’. A l’évidence, le soutien à Israël transcende les partis et clivages politiques.

Quant aux Juifs, à peine 2 % de la population américaine, ils restent divisés face au zèle des Cufi. Mais John Hagee est parvenu à s’attirer la sympathie de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), l’important lobby pro israélien, inspirateur de lois et résolutions imposées par le gouvernement des Etats-Unis dans les instances internationales.

En dépit d’un fond de méfiance de plusieurs Juifs, Malcolm Hoenlein, le président de la Conférence des organisations juives, a participé à un meeting des Cufi, faisant siens des slogans tels que ‘L’Amérique et Israël sont en guerre contre le même ennemi’, ‘Soutenons Israël coûte que coûte’, ‘Israël, une démocratie entourée d’ennemis de la démocratie’, ‘Al-Qaïda, Hamas, Hezbollah, Syrie, Iran, islamo-fascistes’.

Demain, l’Apocalypse...

Les évangéliques, autour de John Hagee, se servent du monde politique dans un but religieux, qui leur est propre. Pour répandre leur message, ils disposent évidemment d’un site Internet ; ils viennent d’inaugurer une chaîne TV, opportunément baptisée God TV, captable par satellite aux quatre coins de la Terre.

Toutes ces activités sont rendues possibles par la générosité des fidèles - à ce propos, on rappellera qu’aux Etats-Unis, les dons aux congrégations religieuses peuvent être déduites de la feuille d’impôts.

Leur engagement pour Israël doit réserver aux évangéliques un sort spécial à la fin des temps. Attentifs lecteurs de l’Apocalypse de Jean, ils n’ignorent rien de ses prophéties concernant les derniers temps. Il leur faut retourner à la Terre promise, avant la seconde venue du Christ. Interviendront alors une assomption (un enlèvement) des chrétiens au ciel, les batailles finales d’Armageddon entre le Bien et le Mal, pour aboutir au règne de Dieu sur le monde.

Cette conviction est solidement ancrée chez les évangéliques, qui la propagent au travers de tracts, exégèses, romans (‘Les Survivants de l’Apocalypse’, par Tim Lahaye et Jerry B. Jenkins, aux éditions Vida - pour ne citer que celui-là) et de films bourrés d’effets spéciaux.

Cette vision ne fait pas toujours plaisir aux Juifs orthodoxes, mais face à la fin du monde, ne peut-on consentir quelques concessions ?

Chrétiens - Juifs : une ère de haine

Le christianisme n’a pas inventé l’antijudaïsme. La Thora, aussi connue sous le titre d’Ancien Testament, regorge de récits des persécutions successives et répétées du peuple juif, d’Egypte à Babylone.

Mais les premiers chrétiens, issus du judaïsme, feront de la haine du Juif un moteur de leur unité. Très vite, ils s’emploient à transférer la faute de la crucifixion du Christ des Romains vers les Juifs. Judas Iscariote devient le modèle du Juif à honnir. Par la même occasion, tout est mis en œuvre pour faire oublier les origines juives de Jésus. Cette appartenance à la descendance d’Abraham et de David dérange, aujourd’hui encore, les gens d’extrême droite, qui pourraient se sentir proches des intégristes cathos, mais que leur antisémitisme viscéral a poussé dans des délires païens et druidiques.

Si on veut remonter la filiation des fantasmes antijuifs, relisons les Pères de l’Eglise, ces ‘penseurs’ des premiers siècles de l’ère commune. Ils étaient chargés d’asseoir la domination de Rome sur la chrétienté et d’éradiquer les dérives de certaines églises, notamment en Asie mineure et au Moyen Orient - les nestoriens, ariens (fidèles du prêtre Arius, à ne pas confondre avec les Aryens, qui sont une population indo-européenne du 18ème siècle avant Jésus-Christ, arbitrairement assimilée à une race célébrée par les nazis) et une foule d’illuminés, habiles à détourner les enseignements contenus dans les évangiles.

Voici, par exemple, ‘saint’ Jérôme : ‘leurs prières (des Juifs) sont comparables au grognement des cochons et au cri des ânes’. ‘Saint’ Jean Chrysostome, champion de l’antijudaïsme, donnait cette définition de la synagogue : ‘Lupanar, lieu de tous les méfaits, asile des démons, citadelle du diable, ruine des âmes, précipice et abîme de perdition’. Et le sommet, avec ‘saint’ Grégoire de Nysse : ‘Meurtriers du Seigneur, assassins des Prophètes, rebelles et haineux envers Dieu (...). Comparses du diable, race de vipères, délateurs, calomniateurs, obscurcis du cerveau (...), lapideurs, ennemis de tout ce qui est beau’. Remarquons que les éructations de tous ces ‘saints’ hommes n’ont jamais été reniées, ni par l’Eglise catholique, ni par la communauté orthodoxe.

Dès l’an 306, le concile d’Elvire interdit les mariages entre Juifs et chrétiens. Mais la date pivot, c’est 313, l’année où l’empereur Constantin signe l’édit de tolérance, à Milan. Par ce geste historique, résultant d’un calcul politique assez grossier, Constantin le sanguinaire (il ne fut jamais chrétien... sauf sur son lit de mort et il tua pratiquement toute sa famille pour arriver à la charge suprême) admet l’existence de la religion monothéiste.

Jusque là, seul le monothéisme n’avait pas droit de cité : rien que dans la ville de Rome, on comptait plus de 400 confessions polythéistes, incluant le culte de l’empereur à leur panoplie de rituels - ce que refusaient les deux religions monothéistes, se plaçant ainsi hors la loi.

Constantin choisit la variante chrétienne du judaïsme. La religion juive est beaucoup trop exclusive, trop arquée sur son respect des préceptes ancestraux pour plaire à un large public. Mais surtout, les Juifs n’ont pas, comme les chrétiens, quadrillé l’empire d’un tissu de relais, que l’empereur exploitera pour les substituer à une administration romaine en capilotade et désormais incapable de faire remonter les impôts jusqu’à Rome.

En près de quatre siècles, les chrétiens n’ont pas craint d’assimiler des apports païens, difficiles à éradiquer, tel le culte de la Mère Terre, origine de la dévotion mariale.

En ce 4ème siècle, période de doute et de basculement de l’antiquité classique vers le pré Moyen Age catholique, cette évolution syncrétiste déplaît à des franges de plus en plus importantes de catéchumènes. Ils se disent que l’original vaut mieux que la copie. On assiste à des vagues de conversion au judaïsme.

Accédant, en 313, à l’entourage immédiat des empereurs, les chrétiens vont inspirer des lois, qu’ils confirment, au plan religieux, dans les conciles.

Ainsi, en 315 déjà, ils parviennent à faire adopter la peine de mort pour ceux qui voudraient se convertir à ‘la secte impie’, c’est-à-dire, le judaïsme ! Un siècle plus tard, en 417, l’empereur Théodose II interdit aux Juifs d’avoir des esclaves chrétiens - ce qui aboutit à des vagues de conversion dans le personnel servile travaillant sur les terres de propriétaires juifs.

On ne s’étonnera donc pas de voir les Juifs pratiquement chassés du secteur agricole, la vraie richesse sous l’empire romain et dans la féodalité qui s’ensuivra. Ils se tourneront vers d’autres métiers, méprisés par les autorités chrétiennes : l’argent, le travail des pierres précieuses... On leur interdit d’entrer à l’armée, à une époque où cette dernière rassemble une majorité de soldats non romains, Germains pour la plupart. On leur fermera bientôt les portes de l’administration impériale.

Tout l’antijudaïsme moyenâgeux, suivi, depuis le 19ème siècle, par l’antisémitisme, est en place avant la chute de l’empire romain d’occident, en 47.

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Jésus, victime du libéralisme sauvage

Depuis le film de Martin Scorcese, La Dernière Tentation du Christ, et après Le Code da Vinci, les théories les plus folles circulent sur la personne du Christ. Nouvel avatar de ce courant prospère et lucratif, The Lost Tomb of Jesus, le docudrama produit par James Cameron, heureux réalisateur de Titanic, accompagné d’un bouquin, The Jesus Family Tomb.

De quoi s’agit-il ? Simcha Jacobovici et Charles Pellegrino, auteur du film et du livre, prétendent avoir trouvé dix sarcophages, excavés d’une crypte, dans le quartier Talpiot, à Jérusalem. Ils contiennent des ossements et comportent des inscriptions telles que ‘Jésus, fils de Joseph, Marie, Josué’, ‘Mariamene e Mara’ (interprété comme étant Marie-Madeleine) et ‘Judah, fils de Jésus’. Bref, le caveau de la famille Christ, avec, en prime, la remise en question des dogmes de la Résurrection, de l’Ascension et, par conséquent, de la divinité de Jésus. Joignons à ce jeu de destruction la négation de l’historicité du Saint Sépulcre.

La diffusion américaine de cette ‘enquête’ sur Discovery Channel, le dimanche 4 mars, a provoqué les remous aisés à prévoir, en raison d’une campagne de presse particulièrement agressive. Mais les réactions n’ont pas été dans le sens espéré par les auteurs de ce qui apparaît comme une mystification de plus.

Ils attendaient les invectives indignées de responsables religieux, ils n’ont récolté que la consternation des spécialistes devant l’absence de preuves, l’amoncellement d’approximations et de conjectures sensationnelles, mais tout à fait gratuites.

Ce n’est pas la première fois que sont lancées les plus extravagantes hypothèses sur la vie du Christ et sur sa véritable nature. Dès le deuxième siècle de notre ère, ça bagarrait ferme dans les communautés chrétiennes pour savoir si Jésus était Dieu (le dogme de la Trinité, à savoir trois personnes en une), une entité d’essence divine, mais distincte de Dieu, ou un être humain, un prophète spécialement élu par Dieu.

Sans remonter aussi loin, rappelons que depuis quelques centaines d’années, au Cachemire, on présente aux voyageurs un emplacement censé être la tombe de Jésus - encore une ! - accréditant ainsi la légende selon laquelle Jésus ne serait pas mort en croix, vieille thèse rejetée par le christianisme.

Plus comique, la mésaventure arrivée au mathématicien Michel Chasles (1793 - 1880), victime de sa rage de collectionneur d’autographe. Son secrétaire, l’escroc Vrayn-Lucas, lui vendit une lettre d’amour de Jésus à Marie-Madeleine... rédigée en vieux français !

Il y a peu, un commerçant égyptien mettait en vente un sarcophage contenant les restes de Jésus (cela ne ferait que le troisième squelette recensé), fils, époux et père, à en croire les inscription opportunément gravées pour la prospérité. La supercherie ne fut pas longue à être percée.

On citera pour la forme les élucubrations nées de l’étude superficielle des Manuscrits de la Mer morte et de Qumram.

Même l’Evangile de Judas, annoncé comme révolutionnaire et à grand renfort médiatique par le National Geographic, semble faire long feu.

Dan Brown n’a en rien innové dans le Code da Vinci : toutes les hypothèses, contenues dans le roman, circulaient depuis belle lurette. Simplement, le best-seller les a mises à la portée du grand public, ignorant des grands débats théologiques.

Que justifie ce soudain engouement pour la personne du Christ, sa vraie nature et les côtés supposés cachés de son existence sur Terre ? C’est dans l’air du temps et cela donne des idées à de petits malins : il se dit que les auteurs du livre, The Jesus Family Tomb, ont palpé un à valoir d’un million de dollars, généreusement avancé par leur éditeur.

La communauté scientifique américaine propose une explication plus dérangeante, tout en n’excluant pas l’argument de la cupidité et du coup médiatique : les méthodes ultra-libérales qui président à la recherche universitaire américaine.

Autrefois, un chercheur passait des années à établir sa thèse, à en vérifier tous les paramètres, à la remettre éventuellement en question, sous la pression de découvertes nouvelles. Arrivé au terme de son ‘grand œuvre’, il publiait une somme aux pages bourrées de notes et parfaitement indigeste pour le lecteur moyen.

Devenues des entreprises comme les autres, parfois cotées en bourse, mises en concurrence par des classements d’excellence, les universités américaines exigent des résultats rapides et, de préférence, spectaculaires. Un return sur investissement, en quelque sorte.

Cela explique la multiplication de théories farfelues, sources de faux événements retentissants, pleins d’affirmations que leurs auteurs n’ont pas eu le temps de recouper et de vérifier - au besoin, on dédaigne tout ce qui pourrait les mettre à mal. Cela agite un temps le landernau médiatique, avant de passer à la moulinette de la surinformation. Il suffit qu’un internaute s’en empare et la rumeur devient une quasi-vérité. Et puis, on passe à autre chose.

Tragique dévaluation de la recherche historique, vouée à une seule vérité : celle de l’argent...

Sources Info Palestine
Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans LOBBY

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