D'une négation l'autre

Publié le par Adriana Evangelizt

D'une négation l'autre


par Azmi Bishara


Traduit par Traduit par Xavier Rabilloud


L’holocauste nazi avait pour objectif de débarrasser l’Europe de sa « souillure juive ». Cette expression désignait tout ensemble le capital bancaire par opposition au capital industriel, et la dégénérescence morale, le manque de patriotisme, le mépris envers les valeurs nationales, les inégalités patrimoniales, et d’autres maux du même genre provoqués par le « ver » qui rongeait et minait tout ce qu’on trouvait de noble et de pur chez le peuple allemand. Ce ver était la souillure raciale qui jamais ne s’était assimilée, un intrus par essence, qui s’évertuait néanmoins à rester dans le fruit pour continuer d’y nuire. Ce ver était la juiverie européenne et ses diverses manifestations, parmi lesquelles le capitalisme, le communisme et le libéralisme – et sa seule présence, aux yeux de ce diabolique système de pensée, constituait un véritable fléau qui ravageait la pureté raciale.

Le capitalisme moderne, tel qu’imposé de force par l’Etat bureaucratique centralisé, entra en convergeance avec un nationalisme tardif extrêmement idéologique, fanatiquement et rageusement xénophobe, qui avait pris racine au sein des « verspäteten Nationen » (c’est-à-dire les Etats-nations séculaires de la « vieille Europe », NDT), avec également une longue histoire d’antisémitisme religieux [1] remontant au Moyen-Age et aux équipées des croisés en route pour la Palestine - qui attaquaient des villages juifs en Europe centrale -, et enfin avec un ostracisme religieux qui visait à la fois les musulmans et les juifs dans l’Espagne d’après la Reconquista, et qui informa en partie l’identité européenne par une double détermination : externe – les musulmans – et interne – les juifs.

Mais l’obsession nazie – annihiler les Juifs – fut également attisée par une idéologie qui incorporait l’ingénierie sociale d’essence totalitaire (fondée sur le darwinisme social et un certain nombre de découvertes biologiques alors récentes, le tout appliqué aux êtres humains), en même temps qu’un socialisme romantique et populiste, hostile au communisme, au socialisme démocratique et au libéralisme, trois idéologies considérées comme fondamentalement étrangères au « Volksgeist » - « l’esprit du peuple ».

Cette forme d’extermination de masse, menée à bien froidement et justifiée de façon pseudo-scientifique, aurait été impossible sans une forte capacité à compartimenter – d’un côté, le fonctionnaire bureaucratique et le devoir d’obéir aux ordres, et de l’autre, l’individu et sa sphère morale privée. Cette compartimentation est l’un des phénomènes caractéristiques de l’appareil d’Etat moderne. L’extermination n’aurait pas plus été possible sans tout un travail de documentation, d’enregistrement et d’archivage, également caractéristique de l’Etat moderne.

Ce qu’il y a d’ironique dans cette taxinomie humaine pseudo-scientifique, et dans la documentation obsessionnelle des noms, des adresses, des biens confisqués et des caractéristiques physiques des gens qui étaient rassemblés et expédiés dans les camps de concentration, et de là aux chambres à gaz, c’est que toute cette paperasserie est devenue la plus importante source historique de première main sur l’holocauste, et le principal instrument de réfutation opposable aux affirmations de ceux qui en nient l’existence, ou en minimisent l’ampleur.

Ce n’est pas tellement le nombre des victimes en lui-même qui distingue l’holocauste. Aussi unique qu’il ait été au XXème siècle, des millions [2] d’autochtones ont été exterminés en masse aux Amériques au cours des siècles précédents. Ce n’est pas non plus une question d’échelle : au cours de la seule seconde guerre mondiale, des gens ont été tués par millions bien plus hors des chambres à gaz nazies que dans leur enceinte [3], y inclus des Russes, des Allemands, des Polonais, des Français, des Italiens et des ressortissants de bien d’autres nationalités. L’horreur véritable de l’holocauste réside non seulement dans la sélection délibérée de peuples entiers – les Juifs et les Tziganes [4] – en vue de leur extermination, ainsi que dans l’échelle de ce crime, mais également dans le caractère total de sa cible et dans la méthode « rationnelle » qui a présidé à son exécution.

Les Juifs ont été raflés chez eux dans le silence général de leurs voisins, un silence seulement entrecoupé par les discours de haine des groupes antisémites et par la complicité active des informateurs. La plupart des Juifs qui sont morts en camps de concentration n’étaient pas des sionistes ; en fait, beaucoup n’avaient même probablement jamais entendu parler du sionisme. Qui plus est, la part du mouvement sioniste dans les tentatives de sauvetage de Juifs, ou de conspiration avec les Nazis, est restée très marginale, quel que soit le nombre d’études réalisées sur les deux sujets, et quand bien même la majeure partie de leurs conclusions ont été corroborées. Le sionisme avait bien deux faces ; ce sont les perspectives et les objectifs des chercheurs qui étaient et demeurent en désaccord.

Le mouvement sioniste a pris corps et a fixé son regard sur la terre de Palestine bien avant l’holocauste. Les sionistes ont seulement utilisé l’holocauste pour justifier rétrospectivement leur projet national, sans égard pour le fait que cette justification est précisément ce qui a conduit certains Arabes à nier l’existence de l’holocauste. Cependant, bien qu’il y ait des gens pour penser qu’en minimisant ou même en niant l’holocauste, ils affaiblissent la revendication juive d’un Etat en Palestine, la majeure partie du public arabe éduqué et informé n’a jamais nié l’holocauste ni l’existence de l’antisémitisme en Europe. Bien plutôt, ils ont avancé – avec raison – que les Palestiniens ne devraient pas avoir à payer pour ce crime atroce, puisqu’il a été commis en Europe.

Bien que l’antisémitisme ait vaguement existé dans le monde arabe à des périodes antérieures, du fait d’un mélange entre les restes d’une certaine culture religieuse et des idées nationalistes extrémistes importées d’Europe, ce n’est qu’après 1967 [5] que l’antisémitisme en tant qu’hostilité envers les Juifs a commencé à s’y propager de façon significative sous la forme de productions culturelles et intellectuelles. Cet essor a manifestement coïncidé avec le développement d’une attitude métaphysique qui cherchait à expliquer l’écrasante défaite arabe de cette année-là dans les termes d’une confrontation avec un « mal absolu » engagé dans une conspiration mondiale à l’instar de celle décrite dans les « Protocoles des sages de Sion », dont il a été démontré qu’ils ont été inventés de toutes pièces à la fin du XIXème siècle par les services secrets russes [6], ce qui ne les a pas empêchés d’abuser nombre d’oreilles naïves dans le monde arabe au lendemain de la défaite de 1967. De façon semblable, la négation de l’holocauste a émergé à cette même période, et dans cette même optique d’une grotesque théorie conspirationniste, qui attribuait à une cabale juive internationale le pouvoir de faire avaler au monde entier un ensemble de mensonges proprement incroyable.

Je souhaiterais indiquer l’existence de deux formes distinctes de négation de l’holocauste. La première, embrassée par certains éléments des droites traditionnelles et des nouvelles droites extrêmes en Europe, consiste à affirmer que l’holocauste n’a jamais eu lieu. Cette forme n’a pas attiré une audience suffisante pour influencer le comportement des sociétés et des nations. La seconde forme de négation consiste à passer sous silence le fait que l’holocauste s’est inscrit dans un contexte historique déterminé, et donc à traiter de l’holocauste comme d’une aberration d’essence diabolique qui s’est en quelque sorte produite en-dehors de toute limite de temps et de lieu. Cette approche a une conséquence fort considérable : elle empêche l’étude de l’holocauste en tant que phénomène historique et en tant qu’introduction révélatrice aux dangers du racisme, du chauvinisme nationaliste extrémiste et de l’ingénierie sociale totalitaire, pour les sociétés de masse modernes.

Mais la négation de l’holocauste peut revêtir une autre apparence, à savoir sa réduction à un simple instrument au service d’objectifs politiques. Le mouvement sioniste y a excellé – les rituels et la rhétorique qu’il déploie pour commémorer les victimes de l’holocauste outrepassent largement son souci réel pour les victimes et ses activités concrètes en vue de combattre le phénomène alors qu’il avait lieu. En fait, le sujet ne figurait même pas à l’ordre du jour de la communauté juive organisée en Palestine mandataire – le Yishouv – pendant les années de guerre, et de nombreux sionistes à cette époque ont trouvé gênant d’entendre parler de Juifs « traînés à l’abattoir » sans opposer de résistance ; une telle représentation rentrait en conflit avec l’esprit nationaliste combatif et avec l’image de l’homme nouveau [7] qu’ils tentaient d’inculquer. Ce n’est pas avant le procès Eichmann (en 1961, NDT) que le silence embarrassé fut rompu et que les émotions jaillirent brusquement [8].

Au fil des tentatives sionistes de représenter l’histoire de tout le peuple juif comme une seule et unique suite ininterrompue d’oppression et de persécution culminant inéluctablement avec l’holocauste, l’histoire de ce dernier a été transformée en propriété exclusive d’Israël. Les victimes des chambres à gaz nazies ont été nationalisées et converties, malgré elles, soit en épisode de la lutte sioniste en vue de créer un Etat, soit en instrument de chantage pour amener les récalcitrants à soutenir les objectifs sionistes ou pour justifier les crimes que l’Etat sioniste commet contre d’autres. C’est comme si l’ampleur du crime que constitue l’holocauste donnait droit à Israël de se poser en victime par excellence ou en seul représentant des victimes, et comme si cela le plaçait, en tant que victime par définition, au-dessus de toute accusation.

Le fait que le sionisme dépeigne les Juifs dans leur ensemble comme victimes des atrocités nazies a provoqué l’essor de deux phénomènes curieux. Le premier consiste en ce que n’importe quel Israélien peut parler et agir en tant que victime, quand bien même il aurait plus à voir idéologiquement et psychologiquement avec le coupable ou avec le « kapo » - comme l’on désigne ces Juifs qui coopérèrent avec les nazis dans les camps de concentration. En d’autres termes, le simple fait d’être né d’une mère juive donne en quelque sorte le droit de représenter toutes les victimes, y compris face à ceux qui sont en fait bien plus réellement des victimes, et face à ceux qui font preuve de plus d’hostilité envers le nazisme, le racisme et leurs rejetons. Le second phénomène, c’est ce monopole revendiqué par la classe dirigeante israélienne qui prétend parler au nom des Juifs et de l’histoire juive en général, ce qui se manifeste largement dans les demandes et les pressions en vue d’un soutien financier et politique à Israël.

Dans le premier cas, le défi que constituent la compréhension et l’apprentissage des leçons à tirer du phénomène nazi est réduit à une sorte de thérapie, dans laquelle ceux qui jouent le rôle de la victime aident ceux qui jouent le rôle du criminel à se débarrasser de leur culpabilité en satisfaisant les demandes psychologiques et matérielles des premiers. Il y a quelque chose de moralement répugnant dans cette transmission des péchés, ou de l’innocence, des parents aux enfants – par opposition à un processus objectif d’investigation historique en vue de combattre le racisme sous toutes ses formes et dans toutes les sociétés. Après tout, dans l’Europe d’aujourd’hui, les principales victimes du racisme ne sont pas les Juifs, et en Palestine, le sionisme n’est pas la victime mais le criminel. Malheureusement, les séances de thérapie Israël-Allemagne ignorent de si crues réalités, et, ce faisant, donnent carte blanche aux Israéliens et aux Allemands pour se décharger de leur racisme sur les autres, comme si l’holocauste était une affaire exclusivement israélo-allemande n’ayant absolument rien à voir avec le phénomène plus vaste qu’est le racisme. C’est comme si à travers leur catharsis mutuelle en ce qui concerne l’holocauste, ils s’exonéraient de toute responsabilité pour ce qui est du racisme.

Dans le même temps, l’Europe s’accommode fort bien du monopole sans mandat ni logique, dénué de légitimation historique, que le sionisme s’arroge sur le rôle de porte-parole des victimes de l’holocauste. La plupart des objectifs et des revendications du sionisme n’exigent pas de l’Europe qu’elle s’engage dans un processus sérieux d’introspection afin d’extirper les causes les plus profondes qui ont engendré l’holocauste. Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre en toute logique, voilà qui est conforme aux objectifs du sionisme, parce que l’unicité monolithique de l’holocauste s’en trouve préservée, alors que, en comparaison, l’importance des autres crimes commis par l’Europe en est diminuée. On en arrivé ainsi à débarrasser l’Europe de la question juive toute entière pour la déverser au Moyen-Orient. On peut penser que c’est un soulagement pour les responsables politiques européens de pouvoir se disculper eux-mêmes de l’holocauste en apaisant Israël par des sympathies anti-palestiniennes, anti-arabes et même anti-musulmanes. Cependant, si ce genre de comportement confirme une chose, c’est bien la persistance du syndrome sous-jacent, un syndrome qui n’en est pas moins recouvert d’un certificat de santé morale, délivré et tamponné par Israël chaque fois qu’un dirigeant européen fait une visite expiatoire au musée Yad Vashem à Jérusalem.

C’est bien la raison pour laquelle toutes les victimes du racisme à travers le monde devraient faire campagne pour mettre fin à la mainmise sioniste sur le rôle de porte-parole des victimes de l’holocauste. Inversement, ceux parmi les Arabes et les Palestiniens qui nient la réalité de l’holocauste ne sauraient faire de plus grand présent au racisme européen et sioniste que cette négation même. Quel intérêt peut-il bien y avoir pour les Arabes ou l’islam à disculper l’Europe de l’une des pages les plus noires de sa propre histoire ? Faire cela, ce n’est pas seulement absoudre l’Europe d’un crime qui a bien été effectivement commis, mais c’est aussi s’attirer son mépris, et se réveiller un jour face à une Europe joignant ses forces à celles d’Israël contre les négateurs arabes ou musulmans de l’holocauste de façon si venimeuse que l’on pourrait croire que l’holocauste a eu lieu en Egypte ou en Iran, et que nier l’holocauste est un crime bien plus grave que le perpétrer. La négation de l’holocauste n’est rien d’autre qu’une pure stupidité, y compris lorsqu’elle ne constitue pas un argument ou un instrument politique. Mais Israël n’en sera pas moins prompt à retourner la provocation contre ses adversaires moyen-orientaux, qui n’ont rien à voir dans la perpétration de l’holocauste.

D’autre part, l’holocauste est un phénomène qui mérite de faire l’objet de recherches universitaires appropriées, dont l’objectif est de distinguer réalité et fiction. Aucune péripétie de l’histoire ne se situe hors du champ d’action de ce processus. Cela dit, on peut difficilement affirmer que Téhéran serait traditionnellement un haut lieu des études sur l’holocauste ; le sujet ne se classe pas en Iran parmi les priorités académiques. Et une conférence - tenue à Téhéran – qui a été suivie d’un discours politique niant la réalité de l’holocauste ne peut pas être considérée comme une conférence universitaire ; il s’agissait d’une démonstration politique, qui porte atteinte aux Arabes et aux musulmans, et ne rend service qu’aux droites extrêmes et aux forces néo-nazies en Europe, ainsi qu’au mouvement sioniste.

Pendant la seconde guerre mondiale, alors que certains Arabes et d’autres parmi les peuples du Tiers-Monde applaudissaient l’Allemagne, parce qu’elle combattait les puissances coloniales qu’étaient alors la France et la Grande-Bretagne, les gauches du monde arabe et du Tiers-Monde, alliées avec l’Union Soviétique, affirmaient que les victimes du racisme n’avaient pas à prendre parti en faveur du régime nazi raciste. Leur attitude était juste. Aujourd’hui, il n’existe même pas la moindre justification pragmatique - bien qu’immorale – pour se rallier au racisme européen. Nier l’holocauste ne fragilise en rien les justifications morales de l’existence de l’Etat d’Israël, contrairement à ce que certains s’imaginent. Ce qui est très réel, en revanche, c’est que nier l’holocauste revient à fournir aux droites européennes et à Israël un ennemi bienvenu sur lequel décharger leurs problèmes. Cet ennemi inclut les Palestiniens et les Arabes, et plus spécifiquement les musulmans fondamentalistes, ceux que George W. Bush aime à qualifier d’ « islamo-fascistes ».

La première réaction qu’ont eu les Arabes face à l’holocauste a été simple et franche, et bien plus rationnelle : l’holocauste a bien eu lieu, mais ce sont les Européens, et non pas les Arabes, qui devraient en assumer la responsabilité. C’est l’opinion qui a prévalu tout au long des années 1940 et 1950 – et le sens que nous avons tous su garder de ce qu’est la normalité continue de s’y tenir fermement.


Notes du traducteur :

[1] A proprement parler, la notion d’ « antisémitisme religieux » utilisée par Bishara est à la fois un anachronisme et un cliché de la rhétorique sioniste. En effet, le terme même d’ « antisémitisme » a été forgé pour la première fois en septembre 1879 par Wilhelm Marr, un publiciste allemand (antisémite pour de bon, celui-là). Si le phénomène précède bien sûr l’invention du mot en lui-même, l’antisémitisme est, comme l’indique la constitution même du mot, un concept d’ordre racial, puisqu’il désigne l’hostilité envers la « race sémite », comprise restrictivement comme synonyme de la « race juive ». (A l’origine, la catégorie « sémitique » était d’ordre linguistique, désignant un ensemble de langues aux origines communes, dont l’arabe, l’hébreu et l’araméen). L’hostilité qui avait prévalu envers les juifs jusqu’à l’émergence des théories raciales, puis de l’antisémitisme, est plus couramment désignée comme un « antijudaïsme chrétien », fondé sur les différends théologiques et historico-mythiques opposant juifs et chrétiens. D’où les nombreux clichés de cet « antijudaïsme chrétien » : les juifs ont refusé de reconnaître Jésus comme le messie, ils seraient le peuple déicide pour l’avoir crucifié, et des accusations de sacrifice rituel d’enfants ont même été formulées à leur encontre. Face à cette dichotomie entre « antijudaïsme chrétien » et « antisémitisme racial » (cette dernière expression étant plutôt de l’ordre du pléonasme), il est intéressant de constater qu’un historien de la stature d’un Yosef Hayim Yerushalmi a pu défendre de manière convaincante une vision plus nuancée et évolutive, en se référant à la notion de « pureté du sang » (limpieza del sangre) qui a en partie sous-tendu la chasse aux « judaïsants » dans l’Espagne du XVème siècle, l’élargissant non plus seulement à ceux qui conservaient en secret des pratiques judaïques, mais également dans une certaine mesure à ceux qui étaient généalogiquement liés à des juifs. (voir l’article passionnant de Y.H. Yerushalmi, « De la limpieza de sangre espagnole au nazisme : continuités et ruptures », in Esprit, mars-avril 1993)

[2] En fait, l’ordre de grandeur du nombre de victimes « amérindiennes » est d’au moins 70 millions de morts.

[3] Le bilan établi par Raul Hilberg dans son monumental ouvrage « La destruction des Juifs d’Europe » est de 5,1 millions de Juifs assassinés par les Nazis, toutes méthodes de mise à mort confondues.

[4] Des différents noms qui sont donnés à ces derniers (eux-mêmes ne se désignent que comme « Rom », mot masculin singulier signifiant « époux »), c’est bien le terme « tzigane » (« Zigeuner » en allemand) qu’a utilisé la littérature raciste allemande. Selon Patrik Ourednik, « en 1905, l’Institut allemand pour la question tzigane publia le ZIGEUNERBUCH, le livre tzigane, dans lequel des psychiatres et des anthropologues et des biologistes expliquaient les causes de l’infériorité des Tziganes et en quoi ils pouvaient nuire à la société. » (« Europeana, une brève histoire du XXème siècle », Allia, 2004, p. 130).

[5] C’est-à-dire après l’écrasante victoire israélienne dans la Guerre des Six Jours lancée par Israël le 5 juin 1967, principalement contre l’Egypte et la Syrie. (NDT)


[6] Plus exactement, il s’agit d’un faux fabriqué à la toute fin du XIXème siècle par Matvei Vasilyevich (« Mathieu ») Golovinski pour la police politique secrète du tsar, l’Okhrana. Ces « Protocoles » sont une falsification et un détournement du livre « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu » écrit et publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly.

[7] Plus exactement : du « Juif nouveau ». Alain Dieckhoff note que « dans la littérature sioniste, le terme " hébreu " (ivri) est très fréquemment utilisé par opposition à celui de " juif " (yehoudi). L’hébreu, c’est le nouveau Juif, le Juif national qui, se détournant autant de l’affadissement confessionnel, prôné par l’Israélite, que du séparatisme de ghetto du Juif orthodoxe, recherche la grandeur du passé biblique lorsque le peuple juif vivait indépendant en Palestine. Pour Mikha Berdichevski, " le Nietzsche juif ", l’alternative offerte par le sionisme était limpide. " Être ou ne pas être ! Être les derniers Juifs ou les premier Hébreux ! " ». (Alain Dieckhoff, « L’invention d’une nation – Israël et la modernité politique », Gallimard, 1993, p. 319, note 44).

[8] Bishara ne le dit pas explicitement, mais c’était d’ailleurs bien là l’objectif principal du procès Eichmann, quasiment mis sur pied par le seul David Ben Gourion, alors Premier Ministre d’Israël, afin de faire œuvre « pédagogique ». Idith Zertal explique que « c’est l’affaire Eichmann […] qui constitua le véritable tournant dans le processus de mobilisation explicite et organisé de la Shoah au service de la politique et de la raison d’État israéliennes, en particulier dans le contexte du conflit israélo-arabe. […] le procès Eichmann offrait la meilleure opportunité de ranimer l’unité nationale à travers la mémoire. Il y parviendrait en mobilisant le puissant potentiel politique de la Shoah et de ses victimes […] ». (Idith Zertal, « La nation et la mort – La Shoah dans le discours et la politique d’Israël », La Découverte, 2004, p. 142 et p. 148). Quant à Shlomo Ben-Ami, il explique à ce sujet que Ben-Gourion « découvrit soudain qu’il était impossible de bâtir une nation unie à travers le seul ethos du nouvel Israël, du " sabra " [le « nouveau Juif », né en Israël, par opposition au Juif exilique de la diaspora, NDT], parce que les gens venaient de différentes parties du monde, et c’est pourquoi il fallait recourir à la mémoire juive, aux valeurs juives, à la catastrophe juive [la Shoah, NDT], en tant que moyens d’unir la nation à peine née. » (Débat radio-diffusé entre Norman Finkelstein et Shlomo Ben-Ami, Democracy Now !, 14 février 2006, transcription complète – en anglais : http://www.democracynow.org/finkelstein-benami.shtml)


Sources
Tlaxcala

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans SIONISME

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