LA PASSION DU CHRIST

Publié le par Adriana EVANGELIZT

LA PASSION DU CHRIST

- Quelques réflexions à propos du film de Mel Gibson -

par Wotrace

 

En avril 2004, huit semaines après sa sortie sur les écrans américains, le film de Mel Gibson bat deux records : celui des entrées (il a été vu par 60 millions de spectateurs*) et celui de l'hostilité des milieux sionistes.

* en France : 1.500.000 entrées en quatre semaines

Produit et tourné en dehors des circuits d'Hollywood, dominés sans partage par le lobby pro-israélien, ce film connaît aux USA un incroyable succès qui ne s'explique que par la profonde religiosité des Américains.

C'est le bouche-à-oreille qui a fait de La Passion le numéro 1 du box-office, et non la publicité commerciale ou les critiques - pour la plupart négatives voire destructrices - de médias eux aussi majoritairement entre les mains ou à la botte du lobby sioniste.

Ce lobby a mené, dès avant le début du tournage, une intense campagne de dénigrement contre le film et son auteur. Les fanatiques de l'anti-antisémitisme, on le sait, ne perdent jamais leur temps à analyser un sujet avant de se former une opinion personnelle. Si leurs "élites" dècrètent pour eux que quelque chose ou quelqu'un est "antisémite", c'est qu'il en est ainsi - un point c'est tout.

Pourtant, même si certains enragés réclament à grands cris l'interdiction de La Passion et la
condamnation de Mel Gibson en vertu des nouvelles lois "antiterroristes", le lobby sioniste dans son ensemble hésite à affronter de face les dizaines de millions de chrétiens dont il se veut par ailleurs l'allié. Il a trop besoin de cette gigantesque masse de manoeuvre pour mener à bien son programme et réaliser ses objectifs. Il tape donc sur le producteur mais laisse les consommateurs tranquilles - du moins aux Etats-Unis.


N'en déplaise à ses détracteurs ignorants ou partiaux, ce film est intéressant à bien des égards, que l'on soit croyant ou qu'on ne le soit pas.


Le point de vue du spectateur croyant :

Connaissant "l'intrigue" telle qu'elle est rapportée par les Evangiles, le spectateur croyant n'aura sans doute aucune difficulté à "s'y retrouver", même si la version présentée par Mel Gibson est plus crue, moins édulcorée, que celle que propage le cathéchisme. Il faut savoir qu'au fil des rééditions et retraductions, les textes qui constituent le Nouveau Testament, et surtout les commentaires, ont subi bien des altérations au cours de ces cinquante ou soixante dernières années*, suite notamment à l'intervention incessante des milieux juifs auprès des instances chrétiennes - le Vatican en particulier.

* Dans les pays anglo-saxons, et spécialement aux Etats-Unis, ce phénomène de "réécriture" des textes saints (révisionnisme) a débuté dès 1909, avec la publication de la
Bible de Scofield, d'abord destinée à remplacer la traditionnelle version dite du Roi Jacques (King James). La Bible de Scofield, fréquemment remaniée depuis sa première apparition, constitue un des fondements de l'alliance sioniste judéo-chrétienne.

Fidélité

Mel Gibson est catholique intégriste et ne reconnaît pas les "réformes" accomplies par Rome depuis les années 1960 (c'est une position qui passe beaucoup mieux aux Etats-Unis - pays des sectes - qu'en France). Il lit donc sa Bible comme on la lisait autrefois - c'est son droit, et c'est à prendre ou à laisser.

Quoi qu'il en soit, dès l'instant où l'on considère que le contenu de la Bible est véridique et conforme à la réalité historique (c'est bien ce que pensent les croyants), on ne voit pas pourquoi il faudrait reprendre le texte tous les dix ans pour l'adapter au "politiquement correct" du moment. A ce compte-là, il faudrait aussi effacer ou modifier tout ce qui, dans les Ecritures, est susceptible d'encourager la xénophobie en général, la misogynie, l'homophobie, la cruauté envers les enfants et les animaux ou encore - pourquoi pas - tout ce qui est contraire aux principes du végétarisme (si les végétariens parviennent demain à imposer leurs idées). Et nous ne parlons même pas ici de la propagande belliciste, de l'apologie des crimes de guerre et des innombrables actes de barbarie que décrit la Bible et qu'il faudrait aussi extirper.

Mel Gibson refuse donc de réécrire le Nouveau Testament pour faire plaisir au lobby sioniste. Il refuse de faire "porter le chapeau" à Ponce Pilate et à lui seul. C'est le Sanhédrin - l'assemblée des grands prêtres juifs - qui condamne à mort Jésus le dissident, l'emmerdeur, le révolutionnaire, l'agitateur communiste ou anarchiste (aurait-on dit il y a quelques décennies), le terroriste (pour employer le jargon de 2004). Mais comme, pour une raison non précisée (et sans doute trop évidente), ces messieurs refusent de se salir les mains, ils poussent les Romains (les Américains de l'Antiquité) à exécuter pour eux cette sale besogne. Cela ne vous rappelle rien ?  Irak, Syrie, Liban, Iran ?...  Et les GIs romains - tous des brutes sadiques - s'en donnent à coeur joie.

Le véritable scandale, aux yeux du lobby sioniste, c'est que les chrétiens catholiques ou protestants, que l'on pousse depuis des décennies à soutenir inconditionnellement la politique d'Israël au nom d'une fallacieuse solidarité judéo-chrétienne, retrouvent le vrai texte biblique et prennent conscience de la manipulation dont ils sont victimes. Mel Gibson, en revenant aux sources, proclame (peut-être sans le vouloir) que le roi est nu.

"Antisémitisme"

En ce sens, il "risque", dans une certaine mesure, de susciter des sentiments de rejet vis-à-vis des manipulateurs (ce qui est excellent en soi), mais certainement pas des sentiments antisémites, comme le prétendent mécaniquement des milliers d'ineptes perroquets. Car si le film évoque, sans bien sûr la citer expressément, la situation actuelle au Moyen-Orient et dans le reste du monde, il serait stupide de croire qu'il contribue à identifier les Juifs d'il y a deux mille ans à ceux qui se disent aujourd'hui leurs descendants - d'autant plus que Jésus lui-même était juif, tout comme l'étaient ses premiers adeptes. L'identification - si identification il y a - se situe au niveau purement politique et non au niveau "racial".

La religion chrétienne (comme d'ailleurs la religion musulmane) est universelle, ouverte à tous sans considération d'appartenance tribale ou nationale, réelle ou supposée. Elle brise le carcan archaïque qui veut que chaque peuple ait son propre Dieu. Les premiers qui se soient engagés dans cette voie - émancipatrice pour l'époque - furent des Juifs (ethniques) en rupture de ban (religieux). C'est aussi un peu le message de ce film, un message inadmissible aux yeux du sionisme totalitaire qui s'obstine à prôner, depuis plus d'un siècle et à contre-courant de l'histoire, le mythe d'une prétendue identité unissant "race", religion, idéologie et politique, et qui enferme des millions de gens dans un ghetto artificiel en les contraignant à jouer le rôle de victimes.

L'accusation d'"antisémitisme" est donc tout simplement absurde. C'est d'ailleurs un peu comme si quelqu'un venait nous dire que La Passion est un film anti-italien, puisque les soldats romains y sont représentés comme d'abominables tortionnaires. Ces soldats sont pourtant aussi peu les ancêtres des Romains d'aujourd'hui que les Juifs du film sont les ancêtres des Juifs contemporains.

Violence

Ce qui nous conduit au thème de la violence, un des autres grands reproches adressés à Mel Gibson.

Mesuré à l'aune de ce que nous voyons tous les jours à la télévision, dans les vidéothèques ou au cinéma (par exemple Kill Bill de Quentin Tarantino), le film La Passion, malgré sa brutalité, pourrait presque passer pour "non-violent". Et nous ne parlons même pas des atrocités réelles, sans nom et sans nombre, que les médias se gardent bien de nous montrer parce qu'elles se produisent en Irak ou en Palestine, ou au "pays de la liberté".

Pour les chrétiens, dont la religion repose sur le supplice infligé à Jésus, sur les souffrances endurées par lui pour le salut de l'humanité entière, le thème de la violence n'est certes pas nouveau. Les croyants savent qu'une crucifixion n'est pas une partie de plaisir, que le chemin de croix n'est pas une promenade en famille. L'Eglise ne cesse de s'y référer depuis des siècles et des siècles ; alors pourquoi ce procès d'intention fait à Mel Gibson ?  Le martyre du Christ est pour lui une chose concrète dont il s'efforce de montrer la réalité ; ce n'est pas un prétexte dont il se servirait pour concocter un produit soporifique comme Hollywood sait les fabriquer. La Passion n'est ni le énième navet biblique destiné à exalter les bienfaits de l'alliance judéo-chrétienne, ni la bande vidéo d'une procession de vendredi saint. C'est une oeuvre à la fois originale et captivante qui incite à la réflexion. La violence n'y est jamais gratuite.

Du message religieux au message politique

On a aussi reproché à Mel Gibson de vouloir "convertir" ses spectateurs. Et alors ?... Pourquoi pas ?...  Personnellement, nous ne pensons pas qu'il y parvienne. Son film est trop "hermétique" pour qui ne connaît pas les détails de la Bible. Bien des clés sont nécessaires à la compréhension du sujet, et Mel Gibson n'en fournit aucune.

Les dialogues (sous-titrés) sont en latin et en araméen (la langue parlée à l'époque par les Juifs - l'hébreu n'était alors que la langue liturgique). Nous avons donc affaire à deux langues mortes difficiles à restituer car on ignore tout de la manière dont elles se prononçaient. Mel Gibson résout très bien le problème : son araméen a des sonorités hébraïques, son latin évoque le roumain. Mais le plus étonnant, c'est que ses personnages passent sans difficulté d'une langue à l'autre - un peu comme si le dernier des GIs débarqué en Mésopotamie maîtrisait sans difficultés la langue arabe. Les légionnaires romains de Mel Gibson, bien que sanguinaires, sont indéniablement moins stupides que les mercenaires de l'Empire yankee. Et Ponce Pilate, loin d'être un Rambo dégénéré comme ceux qui peuplent les états-majors US, se présente en gouverneur avisé, tout à fait apte à résoudre les problèmes politiques. Il s'en remet contraint et forcé à la volonté des prêtres juifs, comprenant que c'est le seul moyen de calmer une situation passablement explosive.

Bien entendu, le message politique, dans le film de Mel Gibson, n'est pas exprimé ouvertement, il est à peine sous-entendu et de manière sans doute involontaire. Mais c'est le propre de toute oeuvre d'art - et La Passion en est une sans conteste - de transcender les intentions de son auteur.

Certes, on peut légitimement douter que les dizaines de millions d'Américains qui ont vu le film aillent si loin dans leur réflexion. S'il en était ainsi, la junte belliciste animée par les néo-cons pourrait définitivement enterrer ses projets. Mais puisque La Passion a néanmoins réussi à ouvrir une petite faille dans le front sioniste judéo-chrétien que l'on croyait inébranlable, tous les espoirs sont permis. Peut-être assistons-nous à l'amorce d'une prise de conscience des Américains, à un début d'émancipation semblable à celui que les premiers chrétiens ont osé il y a deux mille ans.


Emmenez vos gosses voir ce film
Comment La Passion du Christ peut aider à apporter la paix au Moyen-Orient
(deux articles du journaliste israélien antisioniste Israël Shamir)

Le point de vue de Gilad Atzmon (saxophoniste juif vivant à Londres) :
Mel Gibson and the Judo-Christian myth.
Les sionistes, nous explique Atzmon, craignent que le mythe judéo-chrétien, en s'effondrant, ne révéle au monde que le crucifié de notre époque est le peuple palestinien.

Lorsque le Ponce Pilate européen, dégoûté par les décennies de flagellation infligées au Jésus des territoires, demande au peuple d'Israël si la punition n'est pas suffisante, les grands prêtres du sionisme et leurs partisans fanatisés crient à tue-tête : "Non, crucifiez-le..."

 Et Satan mène le bal... D'un bout à l'autre du film, le diable observe le supplice du Christ en ricanant. Si Mel Gibson ne lui prête pas les traits d'un général connu, plus d'un spectateur aura fait le rapprochement.



Le point de vue du spectateur athée :

La première réaction du non-croyant, à l'évocation de ce film, sera de se demander pourquoi on ne lui fiche pas la paix avec toutes ces bondieuseries débiles, avec ces histoires de mise à mort d'un type qui n'a jamais existé. Car après tout, il n'est pas bien difficile, en 2004, de faire sa propre "enquête" sur le sujet - avec Internet, il n'est même plus nécessaire de fréquenter les bibliothèques pour s'en convaincre.

Historicité ?

Personne, à l'époque où ces prétendus événements se sont déroulés ou dans les décennies qui ont suivi, n'a jugé bon d'en faire état. Aucun historien, écrivain, chroniqueur, homme politique - personne.

Ni l'écrivain latin Pline l'Ancien (23 - 79 apr. J.C.), ni l'écrivain et philosophe latin Sénèque (2 av. J.C. - 65 apr. J.C.), ni l'historien latin Suétone (70 - 128 apr. J.C.), ni l'écrivain latin et gouverneur romain d'Asie Mineure Pline le Jeune (61 - 114 apr. J.C.), ni l'historien latin Tacite (55 - 120 apr. J.C.), ni l'écrivain grec Plutarque (50 - 125 apr. J.C.), ni le philosophe grec Celse (seconde moitié du 1er siècle - début du 2ème siècle apr. J.C.), ni le philosophe juif Philon d'Alexandrie (13 - 50 apr. J.C.), ni le général et historien juif Flavius Josèphe (37 - 100 apr. J.C.) -
détails.

Certains écrits attribués à Tacite ou à Flavius Josèphe, et parfois considérés comme preuves de la véracité des Evangiles, sont des faux évidents fabriqués plusieurs siècles plus tard pour les besoins de l'Eglise.

Lire aussi :
Jésus Christ : Mythe ou réalité ?

Les manuscrits de la mer Morte, découverts en 1947 à Qumran et dont les auteurs, membres de la secte juive des esséniens, se sont attachés à couvrir avec une certaine acribie la période allant de 250 av. J.C. à 68 apr. J.C., ne parlent pas non plus du fameux "Jésus". La lenteur avec laquelle le contenu (ou du moins une partie du contenu) de ces manuscrits a été publié, traduit bien le malaise des Eglises chrétiennes en général, et de l'Eglise catholique en particulier, face à ce vide étrange.

On s'accroche encore à l'idée que l'inexistence d'une preuve n'est pas une preuve d'inexistence - ce qui est vrai en principe, bien que contraire à toute pratique historique ou scientifique : quand on affirme que quelque chose ou quelqu'un existe, il faut le prouver au lieu d'exiger de ses adversaires qu'ils prouvent le contraire. Mais il est vrai que rien n'est plus éloigné de la science et de l'histoire qu'un credo religieux.

Comme me disait un jour mon voisin, "ces documents qui prouvent l'existence de Dieu et de Jésus sont authentiques parce qu'ils ont été écrits par Dieu lui-même". L'argument a beau manquer de logique, pour un croyant il ne se discute pas.

Il n'en demeure pas moins que le christianisme a connu un si grand succès dans l'histoire des civilisations humaines qu'il n'est pas possible, même en n'étant pas croyant, d'éluder certaines questions. Par delà la mythologie biblique qui nous est encore si souvent présentée comme "fondée historiquement", il est légitime de se demander, entre autres choses, comment cette "secte" particulière est apparue et comment elle a pu s'imposer en son temps.

Les origines du christianisme

Friedrich Engels, dans son essai
Contributions à l'histoire du christianisme primitif (1894), rappelle que c'est au philosophe allemand Bruno Bauer que l'on doit la première analyse sérieuse de cette question. Pour Bauer, le christianisme n'est pas simplement une secte issue du judaïsme, qui serait venue s'ajouter aux sectes déjà établies (pharisiens, saducéens, esséniens). Son caractère universel est dû au fait qu'il s'appuie sur la philosophie grecque d'Héraclite (550 à 480 av. J.C.), de Platon (427 à 347 av. J.C.) et des stoïciens (vers 300 av. J.C.), cette philosophie étant représentée, à l'époque où Jésus aurait vécu, par Philon d'Alexandrie. (Alexandrie était alors un des hauts lieux de la pensée hellénique dans l'Empire romain.)

La mosaïque ethnique et culturelle que constitue alors l'Empire contribue fortement à l'éclosion d'une nouvelle religion plus tolérante, à l'origine, que toutes les autres religions existantes.

Une bonne partie des idées formulées par le christianisme des premiers âges porte aussi la marque des esséniens, une secte juive pratiquant une vie ascétique. Jean-Baptiste, le personnage qui, paraît-il, baptisa Jésus et lui montra en quelque sorte le chemin à suivre, fit partie de cette secte. Contrairement à Jésus, dont rien ne prouve qu'il ait vraiment vécu, Jean-Baptiste semble avoir eu une existence réelle.

Ainsi que le signale déjà Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, les esséniens prêchaient la confraternité, la mise en commun de tous les biens, la vie austère, le travail manuel, le détachement des richesses et des honneurs, l'amour du prochain et surtout l'horreur pour la guerre. Des sectes établies bien plus tard en Amérique du Nord (amish, mennonites...) ont repris ces principes, depuis longtemps oubliés, de l'aube du christianisme.

Un autre "père fondateur" des idées chrétiennes est un certain Paul de Tarse, connu plus tard sous le nom de saint Paul (Tarse est une ville située dans le sud de l'actuelle Turquie, face à l'île de Chypre). L'historicité de Paul - un juif pharisien - ne semble faire aucun doute ; il aurait vécu de 5 à 67 apr. J.C. Certains auteurs pensent même que c'est précisément la biographie de ce personnage qui a servi plus tard à former la légende et le "profil" de Jésus.

C'est donc la fusion de tous ces éléments qui donne naissance à la nouvelle religion et qui lui permet de s'épanouir jusqu'au point de s'imposer sur ses concurrentes - car à n'en pas douter, les prédicateurs les plus divers sont légion en ces temps de Pax Romana.

Le christianisme des premiers siècles sait s'attirer la sympathie des couches les plus défavorisées de la société (esclaves, affranchis, paysans pauvres, plébéiens, prolétaires) en leur promettant (dans l'autre monde, il est vrai) la justice, l'égalité, le bonheur et le bien-être. Pour le pouvoir romain et ses nombreux auxiliaires locaux, c'est un mélange subversif, hautement indésirable dans ce monde-ci.

Les agitateurs sont donc pourchassés. Mais contrairement à tout ce que nous croyons savoir sur les persécutions des premiers chrétiens, les Romains de cette époque n'ont jamais poursuivi personne pour des motifs purement religieux. Vénérant eux-mêmes de multiples divinités, ils sont tout à fait disposés à en adopter une de plus - qu'il s'agisse du dieu des chrétiens, de celui des juifs ou de n'importe quel peuple "barbare".* La répression, quand répression il y a, est purement politique. Les histoires de martyrs jetés aux lions ont en grande partie été inventées a posteriori pour les besoins de l'Eglise.

* Une autre religion "nouvelle", assez répandue dans l'Empire romain des 1er et 2ème siècles, concurrence le christianisme naissant : le culte de Mithra, venu de la Perse et de l'Inde via l'Asie Mineure et le monde grec.

De la religion des pauvres à celle des puissants

Au départ, le christianisme se passe parfaitement de "textes fondateurs". D'ailleurs, la plupart de ses partisans sont illettrés ; tout se transmet par tradition orale. Le Nouveau Testament, écrit à partir de 70 après J.C., est en grande partie achevé vers 325 (donc trois siècles après la "crucifixion de Jésus").

C'est l'année du premier Concile de l'Eglise chrétienne, celui de Nicée. On y adopte les textes de reférence pour les siècles à venir ; le christianisme devient religion d'Etat et supplante toutes les autres. Avec Constantin, le premier empereur chrétien, la tolérance religieuse disparaît de l'Empire romain. L'Eglise d'en-bas, l'Eglise des pauvres, devient un instrument de répression des classes dominantes. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Si la religion chrétienne prêche d'abord l'amour du prochain et le pardon, les puissants découvrent assez vite que ces "vertus" peuvent leur être très utiles. Du pardon à la résignation, il n'y a qu'un pas. De la résignation à la soumission, également. Après deux siècles et demi d'existence, le christianisme a opéré sa mutation. De lueur d'espoir, il est devenu l'opium du peuple.

Dans les siècles à venir, toutes les tentatives de réforme (des cathares à la théologie de la libération) sont des tentatives de retour aux sources ; elles échouent ou sont récupérées. Révolutionnaire à l'origine, le christianisme subit le sort de toutes les idées révolutionnaires. D'innombrables crimes sont commis en son nom et accompagnent une interminable liste noire où figurent la destruction des "croyances païennes", les conversions forcées, les Croisades, l'Inquisition, le colonialisme, l'esclavagisme, les guerres, l'obscurantisme, l'oppression, l'exploitation, le mépris de la personne humaine, et jusqu'à la pédophilie...

Mais au début, les choses sont encore différentes.

Du concept à l'idole

Durant les deux premiers siècles, les chrétiens adorent le Christ, une abstraction dénuée de toute apparence physique. C'est ce qui ressort des premiers textes (Apocalypse, Epîtres de Paul) avant qu'ils n'aient été remaniés par l'Eglise. L'historien du christianisme Ernest Renan (1823-1892) écrit d'ailleurs : "Pour Paul, le Christ n'est pas un homme qui a vécu et enseigné, c'est un être tout divin". Le christianisme authentique n'a nul besoin de Jésus pour naître et se développer.

Mais au fur et à mesure que la nouvelle religion gagne en influence, il devient nécessaire pour les "Pères de l'Eglise" d'en simplifier le contenu, de matérialiser les idées abstraites qu'elle véhicule tout en les vidant de leur sens profond, de créer un personnage central autour duquel s'articulera le culte. Peu à peu, donc, à partir des années 150-180, on humanise le Christ, on en fait Jésus - auquel il faut, bien entendu, donner un visage, une vie, une mort. C'est ainsi que se crée le mythe.

Dès lors qu'on n'offre plus au peuple un idéal auquel il pourra s'identifier volontairement, il faut lui présenter une idole qu'il acceptera d'adorer sans réfléchir.

De multiples auteurs reprennent et remanient les Evangiles et les autres textes existants, parfois sans se préoccuper des
contradictions pouvant ainsi surgir. Mais tout cela n'a guère d'importance, car presque personne ne sait lire, et même les lettrés ont rarement accès aux documents originaux - quand ces documents existent. L'idée de rigueur historique ou scientifique est absolument inconnue à cette époque. On recopie ou on traduit des textes en les modifiant, en les enjolivant, en les censurant. Et on continue de le faire pendant des siècles.

Ce n'est qu'en 451, au Concile de Chalcédoine, que la crucifixion de Jésus et le symbole de la croix font leur entrée dans le patrimoine religieux chrétien (plus de 400 ans après les "événements").

Quel Nouveau Testament ? - vérité historique et incohérences des textes canoniques, emprunts aux autres religions, juifs et chrétiens, représentation du Christ en croix à travers les âges...


L'aspect culturel

La non-existence du personnage de Jésus n'enlève rien à l'intérêt du mythe. Comme les divinités de l'Olympe ou les héros de la mythologie grecque, Jésus, aussi légendaire soit-il, est indissociable de la civilisation et de la culture universelle. Le film de Mel Gibson nous fournit aussi l'occasion de nous en souvenir. (Ce qui ne signifie pas, bien sûr, qu'il faille accorder au christianisme lui-même, en tant que religion, une quelconque place privilégiée dans la société - ni au christianisme, comme le voudraient certains rédacteurs de la constitution européenne, ni à aucune autre confession.)

Il est difficile d'imaginer l'art occidental (musique et surtout peinture) privé de toute référence au personnage de Jésus et au mythe de la Passion. Mel Gibson lui même, dans son film, arrange de nombreuses scènes (en particulier les brefs retours en arrière) à la manière des grands peintres chrétiens. De la Renaissance à Salvador Dalí, le spectateur attentif reconnaîtra à l'écran bien des oeuvres célèbres. Mais là non plus, le réalisateur ne fournit aucune clé, tablant sur les connaissances du public.

Sources :
WOTRACE

Publié dans LOBBY

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