Cana, deux fois crucifiée
Deux fois crucifiée
par Nagib AOUN
L’horreur ! L’apocalypse en une seule image : Cana la martyre, Cana symbole de toutes les atrocités subies, de toutes les souffrances endurées. Cana, un nom biblique, un nom épelé en lettres de sang, Cana deux fois crucifiée, deux fois suppliciée.
Vingt jours ; vingt jours déjà que l’Homme est assassiné au Liban, humilié, poignardé au cœur ; vingt jours que le Liban est transformé en un champ de ruines, réduit en lambeaux ; vingt jours que les gens meurent sur les routes, agonisent sous les décombres, vivent l’indignité de l’exode, de l’exil.
Le massacre doit s’arrêter. Aujourd’hui même, dans les heures qui viennent. Les armes doivent se taire, les barbares se terrer loin des lieux de leurs tueries.
Hier, à Cana, c’est l’humanité même qui a été assassinée, ce sont les valeurs universelles qui ont été bafouées, pulvérisées.
Le monde ne peut plus garder le silence, les agresseurs, les meurtriers doivent être mis hors d’état de nuire, sanctionnés, voués aux gémonies, à l’opprobre mondial.
Alors de grâce, que cessent les explications oiseuses, le verbiage indécent, les fanfaronnades d’un autre âge. Que se taisent les analystes, les politologues en mal de reconnaissance, que se fassent tout petits les politiciens qui exploitent la tragédie pour se faire valoir.
Dimanche 30 juillet : une date noire dans l’histoire du monde, une date couleur de sang dans l’histoire du Liban.
Aucune explication, aucune justification ne tiennent plus ! Hier, à Rome, les grands de ce monde avaient failli à leur devoir, échoué dans une tâche impérative, élémentaire : appeler à un cessez-le-feu immédiat, secourir une nation en danger de mort. Aujourd’hui, au Palais de Verre à New York, l’Organisation des Nations unies doit prouver que sa charte, son texte fondateur, n’est pas devenue une simple feuille de papier oubliée dans le bureau d’une salle abandonnée.
Condoleezza Rice a bien fait de ne pas revenir au Liban. Cette visite aurait été inutile, aurait été perçue comme une provocation. Son travail, c’est auprès d’Israël qu’il doit être achevé : stopper l’agression, établir les bases d’un accord prévoyant nécessairement un échange de prisonniers et l’évacuation de Chebaa.
Mais Fouad Siniora a d’ores et déjà clairement énoncé l’urgence : un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et une enquête internationale sur le massacre.
En ces temps troubles, en ces temps de barbarie, alors même que l’État hébreu annonce cyniquement que la tuerie de Cana ne le dissuadera pas de poursuivre sa sale guerre contre le Liban, le ralliement unanime à la position adoptée par le gouvernement est indispensable. Nabih Berry, en homme d’État responsable, a donné le ton, plaçant toutes les potentialités au service du pouvoir exécutif.
Mais attention : ne permettons pas, sous le coup de l’émotion, de la colère, que des dérapages surviennent, que des actes répréhensibles, comme l’attaque contre le siège de l’Escwa, se produisent. Ce serait desservir la cause pour laquelle nous luttons, rendre service à l’ennemi qui nous agresse.
Redisons-le une fois de plus, une fois pour toutes : hors de la légalité, il n’y a point d’espoir, point de salut ; hors de la légalité, c’est la voie ouverte aux aventures, au chaos généralisé, aux guerres intestines ; hors de la légalité, le monde, révulsé par le massacre de Cana, ne viendra pas à notre secours.
Sources : LORIENT LE JOUR
Posté par Adriana Evangelizt