A la recherche d'une vraie humanité

Publié le par Adriana Evangelizt

A la recherche d’une vraie humanité

par Jeff Handmaker et Bangani Ngeleza

Nous tous avons un rôle à jouer dans la recherche d’un monde plus digne et dans la solidarité avec ceux qui subissent ces violences, qui ont perdu leur maison, leurs amis et leur famille.
 

Au tout début de ce conflit sanglant, Israël a réagi avec une force irrésistible et disproportionnée aux attaques du Hezbollah et à la capture des deux soldats israéliens, réponse aux centaines de captifs libanais. Les forces militaires israéliennes ont alors procédé méthodiquement à la destruction de l’infrastructure civile libanaise.

Depuis, Israël a commis d’innombrables violations de la loi internationale. En termes de justice, la réaction disproportionnée d’Israël constitue un acte d’agression contre une nation souveraine, ce qui est expressément prohibé par la Charte des Nations unies, et interdit comme nous avons pu le voir tragiquement pour de très justes raisons.

Il nous paraît clair que cette première réaction en dehors la loi qui a provoqué ce déferlement de violences armées sur le Liban était en fait prévue depuis au moins une année (1). En fait, elle s’intègre dans une démarche d’Israël de plusieurs décennies visant à la suprématie sur son propre territoire et sur la région, et ce, quel qu’en soit le coût.

Durant ces dernières semaines, Israël a été accusé par Human Rights Watch, Amnesty International et bon nombre de fonctionnaires des Nations unies - dont la commissaire aux Droits de l’homme, Louise Arbour, et le responsable aux Affaires humanitaires, Jan Egeland -, de s’être engagé avec une force disproportionnée et indiscriminée qui, avec insouciance, a amené des centaines de morts de civils et entravé l’accès d’une aide humanitaire si désespérément nécessaire.

Le Hezbollah aussi a été critiqué pour avoir gêné l’accès des organisations humanitaires et pour avoir utilisé sa force de façon indiscriminée, bien que les tirs de roquettes sont davantage des tirs imprécis qu’indiscriminés (2). Selon l’organisation caritative britannique « Sauvez les enfants », 45 % des civils tués dans cette guerre brutale d’Israël sont des enfants (3).

Politique de démentis

Le choix du gouvernement d’Israël en réponse à toutes ces allégations est simplement de nier tout méfait.

L’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Daniel Ayalon, interrogé par des journalistes le matin du 10 août, a refusé de façon éhontée de reconnaître l’emploi, par l’armée de son pays, de bombes à faisceaux sur des secteurs civils ou sur l’infrastructure civile pour la détruire. Mais, dans le même temps, Ayalon accusait impitoyablement le Hezbollah de tirer sur les civils.

Sans vergogne, Ayalon a déclaré que les Etats-Unis et d’autres membres du Conseil de sécurité l’avaient implicitement admis depuis qu’Israël avait lancé ce conflit. A savoir, que les civils israéliens pouvaient revendiquer la protection de la loi internationale, alors que les mêmes normes ne s’appliquaient pas aux civils palestiniens et libanais.

Les mensonges flagrants d’Israël et ses raisons hypocrites rappellent les efforts du régime d’apartheid d’Afrique du Sud essayant de justifier l’oppression du peuple africain et la déstabilisation de la région sud-africaine. En 1989, un rapport du Commonwealth accusait ces tentatives de déstabilisation régionale d’avoir atteint « les dimensions d’un holocauste » avec un coût humain de 1 500 000 morts par des actions d’ordre militaire et économique. La plupart de ces morts étaient des enfants, pendant que 4 millions de personnes ont été déplacées.

Pour nier l’impact de la politique de déstabilisation, le régime d’apartheid d’Afrique du Sud présentait ses interventions armées et son soutien aux milices de droite des pays voisins dans un contexte de « guerres civiles ». Par exemple, son soutien à la milice de droite Renamo, combattant les forces armées du gouvernement Frelimo au Mozambique, était présenté comme un soutien légitime à « un mouvement de résistance anticommuniste » (4). Alors qu’elle fournissait des armes et combattait aux côtés de la milice Unita en Angola, laquelle a énormément poussé à la guerre civile dans le pays, l’Afrique du Sud niait simplement que ses soldats étaient en Angola.

Il est donc peu surprenant que, en proie à de tels démentis et hypocrisie, l’actuel Conseil de sécurité continue à rechercher sans arrêt et sans grand enthousiasme des solutions diplomatiques qui ne servent que les intérêts d’Israël. La dernière résolution, diluée, du Conseil de sécurité qui refusait d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et à laquelle Israël a réagi en intensifiant son offensive militaire sur le Liban en est la preuve saisissante.

En attendant, les civils palestiniens, libanais et israéliens continuent de mourir dans un nombre toujours plus grand en raison des violations flagrantes d’Israël de la loi internationale, et des efforts, désespérés et jusqu’ici efficaces du Hezbollah pour résister à l’invasion d’Israël.

Le courage de refuser

Au milieu de tout ce carnage, le fait n’est pas passé inaperçu que quelques soldats israéliens qui avaient reçu l’ordre de tirer sur des cibles civiles ont refusé de l’exécuter. Ils ont déclaré qu’agir ainsi ne serait pas seulement un crime de guerre, mais complètement immoral (5).

Les soldats qui ont refusé d’exécuter ces ordres sont soutenus par des organisations comme Yesh Gvul (qui signifie « Il y a une limite ») mais ces organisations ne peuvent les protéger des tribunaux militaires israéliens. Les soldats risquent une peine de prison vraisemblablement, ou des répercussions sur leur famille et de perdre leur emploi.

L’activité de Yesh Gvul peut être comparée à celle de la Campagne pour la fin de la conscription (ECC) organisée en Afrique du Sud en 1983 pour protester contre le service militaire obligatoire pour les jeunes blancs (6). Les conscrits dans l’Afrique du Sud de l’apartheid composaient la plus grande partie des « Forces de défense » sud-africaines (armée nationale de l’Afrique du Sud) mais aussi de la police répressive sud-africaine. Beaucoup de conscrits sont partis pour l’Angola.

Si l’objecteur de conscience se trouve confronté à un sérieux dilemme car les conséquences en sont souvent très rigoureuses, celui qui ne fait pas ce choix peut se retrouver, lui, poursuivi pour crimes de guerre. Tout comme les Africains du Sud en Angola dans les années 1980, les jeunes soldats israéliens qui combattent dans cette guerre violente qu’ils semblent incapables de comprendre, croient naïvement encore qu’ils sont capables de la gagner.

Un problème de conscience et d’intérêt personnel

En face de telles atrocités, il ne semble guère nécessaire de répéter les obligations imposées par la Cour international de Justice, selon lesquelles la communauté internationale a le devoir de tenir Israël pour responsable. Les promoteurs des Nations unies et des Conventions de Genève, sans nul doute, doivent se retourner dans leur tombe.

Alors que nous continuons à voir ces scènes dispendieuses dans la recherche folle de la puissance, on peut à peine imaginer que les dirigeants du monde, ne serait-ce qu’un instant, soient inconscients des dangers de leur silence. Un tel silence sur les crimes de guerre d’Israël n’engendre pas seulement son impunité, mais comme Karma Nabulsi le disait si éloquemment, il alimente la colère de tous ceux, et particulièrement les réfugiés palestiniens, qui ont tant souffert et qui sont envahis par la fureur (7).

Comme Israël parait déterminé à poursuivre son oppression contre les Palestiniens pour déstabiliser la région toute entière et à entraîner l’ensemble de la communauté internationale dans sa quête arrogante de puissance, le boycott et les sanctions contre Israël sont devenus non seulement une question de justice ou de conscience, mais pour tous ceux qu’il faut encore réveiller afin qu’ils découvrent ce qui se passe, c’est une question d’intérêt personnel éclairé.

La recherche d’une vraie humanité

Nous tous avons un rôle à jouer dans la recherche d’un monde plus digne et dans la solidarité avec ceux qui subissent ces violences, qui ont perdu leur maison, leurs amis et leur famille.

On ne prétend pas que toutes les situations sont directement à comparer, bien que cela pourrait être une source d’inspiration pour renvoyer à d’autres régimes qui ont été jugés coupables et dont la violence a été maîtrisée. A cet égard, sûrement, la recherche de la responsabilité, du sens de la dignité et de l’humanité est une valeur universelle.

Dans les années 1970, 1980, l’Afrique du Sud a été entraînée dans un cycle, apparemment sans fin, de violence et de répressions que le monde a eu du mal à admettre, alors même que des enfants se faisaient tirer dans le dos par les forces de sécurité de l’apartheid. Cependant, comme le combattant pour la liberté, Stephen Biko, l’écrivait à l’époque, il a toujours été possible de trouver un espoir au milieu de ces circonstances affreuses.

Nous nous sommes lancés à la recherche d’une vraie humanité, et quelque part, à l’horizon qui nous semble si loin, nous apercevons un point briller. Allons de l’avant avec courage et détermination, tirons notre force de notre détresse commune et de la fraternité. Alors, nous serons en mesure d’accorder à l’Afrique du Sud le plus merveilleux des cadeau possibles : un visage plus humain.

Notes

(1) Israel set war plan more than a year ago, Matthew Kalman, San Francisco Chronicle (21 July 2006)

(2) Jonathan Cook, Hypocrisy and the Clamor Against Hizbullah, Jonathan Cook (9 August 2006) ;
en fançais sous le titre français :
“Les tirs du Hezbollah visent-ils les civils ?”

(3) Children are paying the price in Lebanon, The Guardian (2 August 2006)

(4) ANC Statement to the TRC

(5) Yesh Gvul

(6) Kairos

(7) The refugees’ fury will be felt for generations to come, Karma Nabulsi (7 August 2006) (Ancienne représentante de l’OLP en Grande-Bretagne, elle a participé aux négociations de paix de 1991-1993 - ndt).

***

Jeff Handmaker et Bangani Ngeleza sont tous les deux avocats pour les droits de l’homme, basés respectivement en Hollande et en Afrique du Sud.


Jeff Handmaker et Bangani Ngeleza

The Electronic Intifada - 12 août 2006
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : JPP
Sources : CCIPPP
Posté par Adriana Evangelizt
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