Israël en crise existantielle
Israël en crise existentielle
Par Didier FRANÇOIS
Les ratés d'un mois de guerre alimentent un malaise social croissant.
Lettres ouvertes, pétitions, rassemblements, les initiatives de réservistes se multiplient en Israël depuis le début de la semaine. Un mouvement encore peu structuré, composé pour l'heure d'individus ou de petites phalanges de frères d'armes. La fronde pourrait toutefois rapidement tourner à la révolte alors que les unités de Tsahal continuent de démobiliser. L'état-major et le gouvernement doivent d'autant plus prendre garde aux critiques de leurs citoyens qu'ils ont été envoyés au Liban combattre dans une guerre aux conclusions incertaines. La grogne se nourrit du sentiment de malaise qui domine dans la population civile.
A genoux. Aux premiers jours du conflit, le soutien à l'offensive semble presque total, hormis les réticences de la minorité arabe. Le Hezbollah a provoqué l'escalade en enlevant deux soldats sur le territoire d'Israël, et le pays veut voir la milice chiite à genoux. Les villes du Nord endurent un orage de roquettes pendant un mois quand les réservistes montent au front avec l'intention d'en découdre. Le Premier ministre et son ministre de la Défense sont alors au zénith dans les sondages. Plus personne n'ose reprocher à Ehud Olmert ou à Amir Peretz, les piliers de la coalition gouvernementale, leur manque d'expérience militaire. Fins politiques habitués aux retournements d'opinion, les deux dirigeants semblent toutefois se méfier de cette unité de façade. La société israélienne a changé à grande vitesse au cours des dernières années et l'armée n'a plus fait appel à ses réserves de manière massive depuis la dernière guerre du Liban, en 1982.
La bataille s'annonce rude et les responsables politiques paraissent tentés de croire au nouveau concept de bataille aérienne que certains généraux préconisent. Il s'agit d'user l'ennemi grâce à la toute-puissance de l'aviation. Au sol, point besoin d'engager les hordes de fantassins ; des opérations spéciales limitées, menées par des troupes aguerries, devraient suffire. Voilà pour la théorie ; il en va autrement sur le terrain. L'heure des comptes politiques a sonné.
Le résultat des dernières élections législatives, avec un vote exprimant des préoccupations sociales, montrait que la priorité de la population n'était plus la sécurité. En cela, les critiques des réservistes sur le manque de matériel stocké dans les hangars de l'armée paraissent assez contraires à leur vote. «Oui, c'est vrai, nous avons tous une responsabilité en tant que citoyens lorsque nous avons accepté de réduire le budget de l'armée pour aider les pauvres car c'était plus utile», reconnaît Lior Dinmiz, l'un des organisateurs du premier rassemblement des réservistes, «peut-être que nous méritions ce rappel à l'ordre, que la société israélienne s'était endormie. En tout cas, cette expérience libanaise m'a fait comprendre quelles étaient mes vraies priorités». La droite nationaliste a bien compris tout l'intérêt de ces protestations pour se refaire une santé. Benyamin Nétanyahou, le dirigeant du Likoud et ex-Premier ministre, a préparé son embuscade en enrôlant dans les rangs de son parti le général Moshe Yaalon, l'officier qui, pour bonne part, a enrayé la seconde Intifada.
Epée. Cependant, si le Premier ministre Olmert semble affaibli, «l'absence d'alternative à droite comme à gauche» devrait lui garantir sa survie, estime Yaron Ezrachi, du département de sciences politique à l'université hébraïque de Jérusalem. Un sondage rendu public mardi par la chaîne 10 montre une opinion très partagée, avec 34 % des personnes interrogées favorables à une démission du gouvernement, 31 % qui y sont opposés et 35 % qui n'ont pas d'avis sur la question. En revanche, 59 % des sondés veulent la création d'une commission d'enquête pour établir les responsabilités de chacun dans les erreurs commises pendant les opérations du Liban. Une terrible épée de Damoclès pour Olmert, Peretz et le général Dan Haloutz, le chef d'état-major. Les lois de la guerre n'absolvent que les vainqueurs.
Sources : LIBERATION
Posté par Adriana Evangelizt