La moitié du Liban est par terre. Qui va payer ?

Publié le par Adriana Evangelizt

Très bon article de Ria Novosti qui montrent bien comment les agresseurs de pays comme Israël et les USA s'en tirent bien au Conseil de Sécurité pour ne jamais rembourser leurs dégats. A noter aussi le vice, une fois de plus... dans la résolution 1701, il n'est mentionné nulle part qu'Israël est l'agresseur. Ce n'est pourtant pas le Hezbollah qui a tué et bombardé le Liban.

La moitié du Liban est par terre. Qui va payer ?

Par Dmitri Kossyriev

RIA Novosti.

Les premières estimations des dégâts causés au Liban par un mois de guerre avec Israël incitent à poser la question: qui va payer la note?

Il n'y a pas de réponse à cette question tout comme il n'y a pas d'agresseur dans cette guerre, comme il n'y en a pas dans les résolutions ad hoc du Conseil de sécurité de l'ONU. Par exemple, dans la résolution 1701 qui fait état d'une paix précaire au Liban.

Il n'y a pas d'agresseur mais il y a des destructions. Selon les estimations faites par la commission travaux publics et transports de la Chambre des députés libanaise, 15.000 maisons d'habitation abritant quelque 300.000 Libanais sont irréparables. 39 écoles, hôpitaux et bibliothèques, 76 ponts ont été détruits, 94 routes ont été endommagées. Au mois d'octobre le taux de chômage atteignait 20%, soit une personne sur cinq. Le préjudice fiscal causé au budget se monte à environ 200 millions de dollars. Les dommages causés à l'agriculture, compte tenu du manque à gagner, sont évalués à 350-500 millions de dollars. En ce qui concerne l'écologie et les sites énergétiques, les pertes se montent à respectivement 65-75 et 245 millions de dollars. A tout cela il faut ajouter 3 milliards de dollars de pertes causées par la désertion des touristes et une baisse de 3 milliards de dollars d'investissements. Ces estimations ne vont pas au delà de la fin de l'année.

Au total, on arrive à la somme de 9,5 milliards de dollars, soit près de 40% du produit national brut du Liban. Et comme le préjudice s'étend aussi à l'année prochaine, on peut dire sans risque de se tromper que la moitié de l'économie du pays a été anéantie.

Faisons remarquer que la commission parlementaire n'a abordé que des questions exclusivement économiques, elle ne dit rien des mille et quelques Libanais tués, dont un tiers d'enfants.

La situation autour des compensations à verser aux Libanais montre on ne peut mieux comment le droit international se construit et comment il fonctionne. Dans le cas présent il est entré dans le droit fil des conceptions idéologiques des divers groupes de pays et civilisations constituant la communauté internationale.

Pour parler plus simplement, depuis le début des gens différents de pays différents considèrent comme agresseurs différents belligérants.

Si vous êtes Américain, Israélien ou si tout simplement vous avez des convictions déterminées, alors pour vous il sera évident que c'est le Liban qui doit payer. Parce que le Hezbollah opère sur son territoire, parce que c'est depuis ce territoire que des missiles étaient tirés contre des villages et des villes israéliens, etc. L'argument standard concernant la "riposte disproportionnée" d'Israël (anéantir la moitié du pays pour deux soldats enlevés) n'a aucun effet sur ces gens. Ils répondent que les choses ont commencé par des actions du Hezbollah bien antérieures à l'enlèvement des deux soldats.

Pendant ce temps, les partisans du point de vue opposé - surtout dans le monde musulman mais pas seulement - répondent qu'en réalité, comme on l'a appris au début du mois d'août, l'opération d'Israël contre le Liban était en gestation depuis longtemps, au moins depuis le début de l'année. Les deux soldats kidnappés n'ont effectivement rien à voir ici.

Examinons le point de vue du politique malaisien Chandra Muzaffar, président du Mouvement international pour un monde juste. Il est intéressant en ceci que, premièrement, bien que pays musulman, la Malaisie n'est pas un pays proche-oriental, il se trouve à six heures d'avion de cette région. Deuxièmement, Indien ethnique, Chandra Muzaffar a longtemps eu des problèmes avec les islamistes orthodoxes de son pays. Par conséquent, le point de vue de cet homme est des plus modérés. Toutefois, pour l'un de ses derniers rapports il a choisi le titre: "L'agresseur israélien s'est décroché de l'hameçon". Parce que justement dans la résolution 1701 de l'ONU, Israël n'est pas mentionné en tant qu'agresseur.

Le droit international est bâti à l'Organisation des Nations Unies. Comme il l'a déjà été dit à maintes reprises, si ces dernières ne sont pas un gouvernement mondial, elles sont presque une Cour suprême internationale. On peut s'attendre à ce qu'à la prochaine Assemblée générale de l'ONU, qui s'ouvrira au mois de septembre, les représentants des Etats diront ce qu'ils pensent de la guerre au Liban. Mais ce seront des témoins et non pas des juges. La question de savoir qui est l'agresseur, et par conséquent qui doit payer pour les destructions causées, elle est exclusivement du ressort du Conseil de sécurité de l'ONU. Dès le début, il était clair que même si quelqu'un avait tenté d'insérer le terme "agresseur" (appliqué à l'une ou l'autre partie) dans la résolution 1701, cela aurait entraîné immédiatement au moins un veto.

Cette situation sans issue ne concerne pas uniquement le Proche-Orient. Le Liban n'est pas le seul pays à se trouver dans la "zone juridique grise" après des dommages de guerre. On peut rappeler que personne n'a remboursé à la Serbie le préjudice causé à la population civile et aux infrastructures après la guerre de 1999. Une guerre sans agresseur elle aussi. Aujourd'hui il est de mauvais ton d'évoquer ce thème, tout comme d'ailleurs celui de l'indemnisation des Libanais.

Au fond, l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990 est peut-être le seul cas où un Etat agresseur a été officiellement désigné en tant que tel. Tout le reste disparait dans la "zone grise".

Maintenant c'est l'évidence même que la guerre au Liban a été plus une défaite qu'une victoire pour Israël et les Etats-Unis qui le soutiennent. Toutefois, le gouvernement libanais et la population libanaise ne seront certainement pas d'accord avec ce point de vue. Tout comme ils n'accepteront pas la situation intolérable et absurde qui se présente à nous, quand la moitié de l'économie est détruite sans que quelqu'un n'ait à répondre de cette chose.

Il arrive fréquemment que les situations intolérables provoquent des secousses tectoniques régionales, voire de plus grande ampleur encore. Par exemple, on estime qu'après la guerre au Liban, l'influence des Etats-Unis et d'Israël dans la région a chuté et que le vide ainsi créé pourrait être occupé par d'autres pays, peut-être par l'Iran ou même la France. Mais que veut dire concrètement le terme "combler le vide" et comment précisément il sera rempli. Peut-être que les Etats et les forces qui aideront le Liban à se relever verront leur influence grandir au Proche-Orient et que par la suite ils s'emploieront à protéger l'argent qu'ils ont dépensé. Mais il faut penser que cela donnera lieu à une forte rivalité globale.

Sources : RIA NOVOSTI

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans ISRAEL LIBAN

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