Les oliviers ne meurent jamais
Les oliviers ne meurent jamais
par Françoise Feugas
Pour la Palestine n°54
Monique Etienne et Kristian Delacroix ◆ Des olives et des murs ◆ 2003-2006 ◆ 58’◆ vo sous titrée ◆ vidéo numérique◆ Disponible à 20 €
Le voyage en Palestine occupée, chez les oléiculteurs de la région de Tulkarem, commence et finit toujours quelque part le long du mur d’annexion qu’il ne fait pas bon côtoyer de trop près, au risque d’être tirés comme des lapins par des soldats israéliens de vingt ans aux allures de cow-boys. Entre les paysans et leurs champs, 50 m à vol d’oiseau, 5km de détours à dos d’âne à l’aller, 5km au retour et plusieurs heures d’attente au soleil. Tous les jours. Tout le temps que dure la cueillette des olives, quand elle peut avoir lieu. Entre les paysans et les champs qui leur restent, des kilomètres de barbelés serrés, des grillages, des blocs de béton, le mur et les soldats. La résistance opiniâtre, quotidienne, héroïque, est faite de longues stations debout, de cheminement entre les rochers, les barbelés, les barrages, d’enjambements de canalisations, de transports de bagages, de valises, d’enfants... Portails métalliques fermés, ouverts à des heures improbables, fermés.... Des gens patientent, dans des voitures, des camionnettes remplies de nourriture qui pourrit au soleil des heures, des jours, selon le bon vouloir des soldats. Les fermiers se sentent alors, parfois, abandonnés de tous, y compris des leurs : « Personne de l’Autorité n’est jamais venu voir ce qui se passait ici », dit un fermier. « Nous sommes seuls avec la porte et avec les soldats. Depuis la construction du mur nous sommes seuls. » Tandis que des voix off dénoncent l’enfermement, l’exil des Palestiniens dans leur propre pays, le vol des terres, la caméra filme des paysages détruits par le béton, des terres agricoles transformées en déserts. D’anciennes forêts, dit un homme, qui évoque les « jours heureux » où les collines ravagées étaient des lieux de promenade familiale à l’ombre des arbres, quand sous nos yeux s’étalent de vastes chantiers poussiéreux et dénudés.
Et puis le Mur qui serpente, travelling et.gros plan, tandis qu’en off la voix de Michel Warschawski commente : « Le Mur [...], c’est une conception de l’existence et de la coexistence, malade. C’est une philosophie de l’enfermement. [...]Si la normalité de notre existence est définie par un mur, autant se flinguer : Derrière le mur se dessine la solution israélienne, ce que l’on veut imposer aux Palestiniens. C’est le pourtour de la colonisation. »
Enfin il y a les oliviers. D’abord ceux qui ont été tailladés, dont ne reste plus que des troncs, qui sont comme calcinés. Douze mille oliviers déracinés pour la construction du mur, dit Taysir Arashi, le maire de Qaffin, et 70% des terres « avalées ». Cent vingt mille de l’autre côté. « Toute la Cisjordanie sera une prison. Mais dans une prison ordinaire, les gens n’ont pas à travailler. Quelqu’un les nourrit. Mais nous, ils veulent nous mettre dans une prison où devons nous nourrir nous-mêmes. » A Qaffin, avec la vente des olives, la seule ressource, les gens pouvaient vivre et payer leurs factures « avant ». A présent, trop de gens ont perdu jusqu’au dernier arbre. L’olivier est un arbre qui ne meurt pas, qui est éternel. Parole d’expert. La résistance des oliviers est à l’image de celle des Palestiniens. Les arbres, eux, passés à la tronçonneuse, finissent par repousser. « Héritage historique » et symbolique, fondateur de la société palestinienne, selon les propres mots du consul général de France à Jérusalem, le verger de Palestine a plus de 6000 ans et il est unique au monde.
Aider les producteurs de la région à améliorer la commercialisation de l’huile d’olive, base de l’économie locale, c’est la mission que l’AFPS des Alpes de Haute Provence s’est donnée. A Saïda, des cuves en inox (financées par l’association) vont permettre un stockage de meilleure qualité. Pourtant, brisant l’euphorie de la célébration partagée de la dernière récolte d’olives, un jeune homme de Saïda est assassiné par un commando des forces spéciales israéliennes. Pourtant, dans la région d’Hébron, les missions civiles de protection du peuple palestinien se heurtent aux colons et à l’armée qui tentent de les chasser. Ici, pierres contre fusils. Menaces. Pressions. La solidarité internationale et la coopération décentralisée ne sont pas du goût de l’occupant. Mais tant que les moulins fonctionnent, tant que les pressoirs font couler l’huile dorée, tant que les amis sont là et que les oliviers repoussent, les paysans palestiniens continuent à faire vivre l’espoir. Envers et contre tout.
Sources France Palestine
Posté par Adriana Evangelizt