La démocratie en faveur de l'Islam

Publié le par Adriana Evangelizt

La démocratie en faveur de l’islam

par Hani Ramadan

 

 

 

Il peut être utile de faire quelques réflexions sur la façon dont se sont déroulées les dernières élections législatives en Egypte, ainsi que sur celles qui sont annoncées en Palestine.

En rappelant d’abord que les procédures d’intimidation en vue d’empêcher un réel suffrage en Egypte ne date pas d’hier. Déjà en mai 2001, Amnesty international dénonçait sur son site ces manœuvres gouvernementales: «Amnesty International pense que la vague d’arrestations de militants politiques qui a eu lieu avant l’élection du Maglis al Shura (Conseil consultatif), la Chambre haute du Parlement, constitue une violation grave du droit de tout citoyen à la liberté d’expression. »

La presse a par ailleurs largement divulgué ces entorses à la démocratie. On pouvait lire ainsi dans Le Monde du 16 novembre 2005: «La première phase des élections législatives en Egypte a été marquée, mardi 15 novembre, par une large fraude en faveur du parti au pouvoir, selon des ONG locales, et par des violences ayant fait plusieurs blessés.»

Pourtant, rien n’a pu étouffer la progression du mouvement islamique : Barah Mikaïl, chercheur à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste du Proche et Moyen-Orient, affirmait sur le site de l’Institut au lendemain des élections:

«Les Frères musulmans viennent en effet de rafler 88 des 444 sièges parlementaires concernés par ces élections. Cela constitue bel et bien une percée majeure pour leur formation (…) Ce qui est nouveau, c’est le fait que les électeurs aient osé aujourd’hui traduire leurs pensées en actes. »

Or, l’on sait que les élections législatives en Palestine risquent de donner une large victoire au Hamas. Tout sera entrepris par le gouvernement israélien pour interdire cette nouvelle reconnaissance. D’ailleurs, les mesures restrictives adoptées ne touchent pas seulement les organisations jugées terroristes.  Hanane Achrawi, députée sortante, a été empêchée le 3 janvier 2006 de faire campagne à Jérusalem, et elle a affirmé : « Nous rejetons les conditions posées par le gouvernement israélien, comme l’obtention d’un permis par la police ou l’exclusion des candidats du Hamas. » Exclure en effet la participation des principales forces d’opposition dans une campagne de cette envergure, c’est proprement réduire à néant la démocratie. L’Etat d’Israël ne cesse de répéter qu’il est contraint d’adopter des mesures répressives pour contrer le terrorisme, comme l’édification du mur ou la ghettoïsation des populations sans ressources. En amenant cependant à la table des négociations politiques les leaders du Hamas, on pourrait désamorcer la violence. Mais le vrai problème est qu’Israël, en position de force,  ne veut pas démilitariser le conflit, afin de conserver Jérusalem et poursuivre sa logique de colonisation.

Ce qui s’est passé en Egypte et ce qui risque d’arriver en Palestine devraient en outre nous conduire à adopter de nouvelles dispositions vis-à-vis du monde musulman. Il est incontestable que le sentiment démocratique gagne progressivement l’ensemble de la planète, et l’on ne pourra éternellement le déjouer par des fraudes purement policières. Faut-il s’en inquiéter en terre d’islam?

Oui, si l’on demande aux musulmans de s’aligner sur une pensée unique qui conduit le monde moderne à n’admettre qu’une forme d’évolution des sociétés humaines, calquée sur le modèle de la pensée occidentale. Car l’islam, incontestablement, comprend des zones irréductibles au sécularisme outrancier d’un univers désacralisé.

Mais non — il n’y a pas lieu de s’inquiéter — s’il se trouve venant des deux bords des volontaires au dialogue des cultures. Aux uns de reconnaître les acquis d’une civilisation qui a su renverser les pouvoirs illégitimes, en forgeant un concept de citoyenneté dont on ne saurait aujourd’hui nier la portée universelle. Les meilleurs aspects de la démocratie et des droits humains devraient ainsi être pris en compte par le monde musulman. Aux autres d’admettre cependant que l’islam reste l’une des seules civilisations qui soient encore capables de rappeler les hommes à une dimension transcendante. Bien sûr, une crainte légitime s’empare des Occidentaux : dans un Etat islamique, quelle garantie subsisterait de voir maintenues la possibilité de l’alternance et les libertés fondamentales d’expression et de croyance ? Interrogés sur la chaîne arabe Al-Jazira, les Frères ont souligné que le respect de la volonté populaire est un principe reconnu de l’islam. Chaque parti, qu’il soit de gauche ou de droite, doit conserver sa liberté d’action.

En outre, en dehors des réglementations élémentaires assurant la cohérence sociale, les populations de confessions ou de cultures différentes peuvent faire valoir leur droit à l’application d’une législation correspondant à leurs références respectives. C’est ainsi qu’à Médine, le Prophète Muhammad avait non seulement autorisé une délégation chrétienne à prier dans sa mosquée, mais qu’il avait invité les juifs à se tenir aux préceptes de la Tora pour trancher leurs différends !

 

 

 

Hani Ramadan

Directeur du Centre Islamique de Genève

Tribune de Genève

L’invité, 20 janvier 2006

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans palestine

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