Gaza toujours occupé
Seule la résistance pourra amener la victoire
par Harpal Brar
Les progrès sont lents à Gaza
Le retrait israélien de Gaza constituait une victoire importante pour le peuple palestinien. En dépit de tous les autres facteurs et s’il n’y avait eu la résistance opiniâtre menée des années durant par les combattants de la libération à Gaza, il ne fait absolument aucun doute qu’Israël ne se serait jamais retiré de ce territoire.
Néanmoins, comme d’autres et nous l’avions prédit, Israël n’a montré aucun signe de vouloir renoncer à un contrôle réel. Après des mois de « négociations » caractérisées par les tergiversations et l’intransigeance d’Israël à propos de la réouverture de la frontière de Rafah entre Gaza et l’Égypte et du passage entre Gaza et la Cisjordanie, les États-Unis ont décidé qu’il fallait sauver les apparences et ont délégué sur place la secrétaire d’État Condoleezza Rice afin qu’elle emballe l’affaire. Selon l’accord conclu le 15 novembre, la frontière de Rafah serait ouverte à nouveau mais serait également contrôlée par des employés de l’Union européenne. En outre, les Israéliens se sont vu accorder le droit de regard sur toutes les activités frontalières, grâce à des liaisons vidéo en direct (bien que le marché ne leur ait pas accordé le droit de veto sur le passage de cette même frontière). Les Israéliens n’ont pas accepté la réouverture de l’aéroport de Gaza et, bien qu’ils aient accepté d’enfin permettre aux convois de cars de voyager entre Gaza et la Cisjordanie, ils n’ont cessé depuis de tergiverser sur la question.
Les Palestiniens toujours victimes de traitements aussi déplorables
Depuis le retrait des colons, les forces de « défense » israéliennes terrorisent la population de Gaza en la faisant survoler de nuit par des appareils des forces aériennes, volant très bas et à une vitesse très élevée, provoquant de nombreux bangs supersoniques. Ces bangs, provoqués par le franchissement du mur du son, sont incroyablement bruyants et équivalent à la déflagration d’une énorme bombe. Le Guardian du 3 novembre rapportait : « Durant la semaine écoulée, les jets israéliens ont provoqué 28 bangs supersoniques en survolant à grande vitesse et à basse altitude la bande de Gaza, parfois à moins d’une heure d’intervalle et pendant la nuit. Dans l’espace de cinq jours, en septembre dernier, les forces aériennes ont provoqué 20 bangs supersoniques. » Cette tactique, si méprisable et si pénible pour ceux qui la subissent, a été spécifiquement condamnée par les Nations unies, qui ont déclaré que les bangs supersoniques provoquaient des accès de panique chez les enfants (The Guardian, 3 novembre). Les médecins de l’hôpital Shifa, à Gaza, ont affirmé que ces bangs supersoniques occasionnaient des fausses couches, ce qui explique leur subite augmentation de 40 %. Le ministère palestinien de la Santé publique estime que ces bangs ont sont à l’origine de vingt fausses couches au moins.
Par un retournement ironique de l’histoire, les militaires israéliens ont été forcés de présenter des excuses après qu’un de ces bangs eut été perçu involontairement à des dizaines de kilomètres à l’intérieur d’Israël. « Des milliers de citoyens ont sauté de leur lit en panique et nombreux sont ceux qui ont adressé des appels téléphoniques embarrassés à la police et aux pompiers. Saturés, les centraux de la police de Tel Aviv et du district central ont rendu l’âme. » (Ibid.) Tout cela, suite à un seul bang supersonique. Inutile de dire qu’il n’y a pas eu d’excuses en ce qui concerne les centaines de bangs qu’a dû subir la population de Gaza.
Dans un même temps, la politique d’assassinats menée par Israël s’est intensifiée à Gaza, en dépit du retrait et du cessez-le-feu, ce dernier ayant une fois de plus échoué sous la pression de l’agression israélienne.
Le « capitaine R » est libre
Le degré de respect de l’État israélien à l’égard de la vie des Palestiniens ressort du récent procès du « Capitaine R », l’officier de l’armée israélienne qui avait criblé de 17 balles (la totalité du chargeur de son arme automatique) une jeune Palestinienne désarmée de 13 ans, Iman al-Hams, et déclaré ensuite qu’il aurait fait exactement pareil si elle avait eu trois ans. Le Guardian du 16 novembre a rapporté que « la cour militaire avait acquitté le militaire des chefs d’usage illégal de son arme, d’attitude indigne d’un officier et d’entrave au bon fonctionnement de la justice (…) » en dépit des témoignages qui prétendent qu’Iman se trouvait à cent mètres au moins d’un poste militaire au moment où elle avait été abattue. « Après que les soldats eurent ouvert le feu, elle laissa tomber son cartable qui fut alors frappé de plusieurs balles, afin de s’assurer qu’il ne contenait pas d’explosifs. À ce moment, elle ne portait plus son sac et, comme le révéla la vidéo, elle s’éloignait du poste militaire quand, brusquement, elle fut abattue. » À juste titre, le père d’Iman avait fait remarquer : « C’était l’assassinat de sang-froid d’une fillette. Le militaire l’a tuée une fois et le tribunal une seconde fois. Quel message à tirer de cela ? Ils disent à leurs soldats de tuer des enfants palestiniens. »
L’accaparement des terres en Cisjordanie et à Jérusalem-Est
Israël subit des pressions de plus en plus fortes afin qu’il accepte l’idée d’un État palestinien. Le soutien international en faveur d’un État palestinien viable continue à s’accroître : le 2 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait à 156 voix contre 6 une résolution insistant sur la nécessité du retrait israélien des territoires palestiniens occupés en 1967 (les seuls pays ayant voté contre étant les États-Unis, Israël, l’Australie, les îles Marshall, les États fédérés de Micronésie et Palau – les trois derniers étant de minuscules États insulaires, tous très dépendants des États-Unis).
Reconnaissant que les questions concernant le « statut final » vont finir par devoir être négociées, Israël fait tout son possible pour entraver ces négociations. Au beau milieu de tout un battage concernant le « désengagement » à Gaza, Ariel Sharon et son administration ont mené une opération beaucoup plus calme, enourageant les colonies et l’accaparement de terres autour de Jérusalem-Est, reconnue internationalement comme territoire palestinien illégalement occupé par Israël depuis 1967 et considérée universellement par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État.
Dans une interview accordée à al-Jazeera le 1er septembre, le ministre d’État palestinien des Affaires de Jérusalem, Hind Khoury, déclarait ceci : « Le plan de désengagement, effectivement, a été en partie mené à bien parce qu’il y a eu des évacuations de colons de Gaza et c’est une bonne chose. Mais cela voulait également dire un contrôle accru sur Jérusalem ainsi que sur une ville juive de la zone du grand Jérusalem. Ainsi, Israël a effectivement échangé Gaza contre Jérusalem-Est. Comme l’attention du reste du monde était détournée, la stratégie d’Israël s’est focalisée sur Jérusalem-Est. Ce que nous voyons, là, c’est que le désengagement de Gaza n’était pas vraiment destiné à initier un processus de paix, mais plutôt à en liquider un autre. Et le concept même d’une solution à deux États constitue un risque très important. Nous ne pouvons disposer d’un État palestinien avec 54 % de la Cisjordanie. Israël a également annoncé des plans visant à dégager des espaces pour 25 000 colons supplémentaires dans la colonie de Maale Adumim, à l’est de Jérusalem. Les ordres de confiscation des terres ont été signés pour 1600 dunums (160 hectares) de terres palestiniennes afin de continuer à construire le mur autour de Maale Adumim et de le relier à Jérusalem. Maale Adumim est un bloc de colonies de quelque 68 kilomètres carrés – bien plus grand que la banlieue de Tel Aviv. C’est une colonie qui s’enfonce profondément en Cisjordanie, sur 14 km. »
Tout le monde sait, et même les officiels israéliens, que Maale Adumim, la plus vaste colonie de Cisjordanie, et l’une des nombreuses autres qui entourent la ville palestinienne de Jérusalem-Est, a vu sa population croître considérablement au cours de l’an dernier, de plus de 8.000 personnes évacuées de Gaza et de postes avancés isolés en Cisjordanie (voir Harvey Morris, « L’augmentation du nombre de colons en Cisjordanie entrave le processus de paix : l’expansion peut atténuer les bienfaits du retrait de Gaza », The Financial Times, 1er novembre.)
John Dugard, un juriste sud-africain qui contrôle les territoires palestiniens pour le compte de la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies, a dit d’un ton mordant : « Cette concentration de l’attention sur Gaza a permis à Israël de poursuivre la construction du mur en territoire palestinien, l’expansion des colonies et la dépalestinisation de Jérusalem sans pratiquement s’attirer la moindre critique. » (Associated Press, 27 septembre.)
En outre, au moyen de mesures agressives de taxation et d’une législation discriminatoire (par exemple, en fonction d’une législation récente, les Palestiniens de Cisjordanie qui épousent des Arabes israéliens ne peuvent devenir citoyens israéliens), Israël a sévèrement limité la croissance de la population palestinienne à Jérusalem. « La stratégie d’Israël est de retirer effecivement Jérusalem de la table des négociations. » (Communiqué de presse de l’Autorité palestinienne, 12 août.)
Même le Foreign Office britannique a produit un document (publié dans le Guardian du 25 novembre) affirmant que le gouvernement israélien mettait en péril le processus de paix en tentant d’évincer l’avenir de Jérusalem des négociations. Un document séparé, rédigé par des diplomates britanniques à Jérusalem et annulé par Jack Straw à la lumière des objections américaines, fait remarquer que « cette annexion de fait de terres palestiniennes sera irréversible sans des évacuations forcées et à grande échelle de colons et le remodelage du mur (…). Lorsque le mur sera terminé, Israël contrôlera tout accès à Jérusalem-Est, la coupant de la sorte de ses villes satellites palestiniennes de Bethléem et de Ramallah et des territoires cisjordaniens situés plus loin. »
Un mur illégal
Israël recourt à n’importe quel moyen malhonnête pour accaparer des terres palestiniennes et créer à son profit une majorité juive sûre tout en repoussant les Palestiniens dans des ghettos dispersés et à haute densité de population. L’un des outils principaux de cette tâche ianvouable est ce qu’on a appelé le « mur de sécurité ». Comme nous l’avons fait remarquer dans de précédents articles, le mur n’a rien à voir avec la sécurité. Il s’enfonce profondément à l’intérieur des frontières palestiniennes, dans l’intention spécifique de nuire aux négociations du statut final concernant les frontières d’un État palestinien. Et, en effet, le mur a bel et bien été déclaré illégal par la Cour internationale de Justice.
« Les Palestiniens prétendent depuis des années que le tracé du mur, qui fait souvent de profondes saillies dans leur territoire, vise à occuper les frontières du futur État qu’on leur a promis et d’accaparer certaines de leurs terres les plus productives. »
« Seuls les Palestiniens en mesure de prouver la propriété des terres, dont une grande partie sont restées chez les mêmes familles depuis l’Empire ottoman, lorsque les terres n’ont plus été déclarées afin d’éviter des taxes plus lourdes encore, sont qualifiés pour avoir des permis d’accès. » (« Les fermiers palestiniens déplorent les pertes de terres », Agence France Presse, 5 décembre.)
L’article susmentionné cite l’exemple d’un village cisjordanien appelé Jayyus et qui a perdu 75 % de ses terres de l’autre côté du mur. Alors qu’il y a habituellement au moins une porte d’accès qui tolère le passage des détenteurs de permis du côté « israélien » (autrement dit, la partie que les Israéliens ont unilatéralement accaparée) durant 12 heures par jour, un avis a été diffusé pour dire que cet accès serait bientôt barré, obligeant ainsi les propriétaires à faire un détour de 13 km pour se rendre à leurs terres. Le fermier local Abou Azzam faisait remarquer : « Je suis sûr que 70 pour 100 des fermiers vont cesser de se rendre à leurs fermes et il sera très facile pour Israël de reprendre ces terres. » Selon une porte-parole de BTselem, un groupe de défense des droits israéliens, les terres qui n’auront plus été entretenues durant trois ans (pour n’importe quelle raison) retourneront aux « terres de l’État », c’est-à-dire au territoire israélien.
La combinaison de plus de 600 check-points fixes (dans un espace restreint de 5.640 kilomètres carrés) et de dizaines de check-points volants signifie que les déplacements, même sur des distances relativement courtes, sont souvent devenus impossibles.
L’occupation s’étend même aux arbres
La destruction des moyens économiques de subsistance des Palestiniens de Cisjordanie constitue un moyen important par lequel Israël tente de gagner des terres. Une technique utilisée depuis des années consiste à détruire les terres cultivables des Palestiniens ainsi que leurs oliveraies, dont certaines existent depuis des centaines d’années. Le journal israélien Haaretz rapporte que « les avant-postes illégaux que le gouvernement s’est abstenu de démanteler, abritent des transgresseurs de la loi qui, non contents de s’emparer de terres ne leurs appartenant pas, ont l’habitude d’agresser leurs voisins palestiniens et de s’en prendre aux propriétés et plantations de ces derniers, présumant que le bras de la loi est trop court pour les atteindre. »
« Ces dernières années, la saison de la cueillette des olives est devenue une époque de plaisirs pour certains résidents des avant-postes et l’ampleur des destructions qu’ils occasionnent – sans être dérangés le moins du monde – aux oliveraies palestiniennes défie l’imagination. Dans le seul village de Salem, quelque 180 oliviers ont été arrachés en mai, alors que 250 arbres étaient abattus en juillet et 200 autres en octobre. Lundi, les habitants du village ont découvert un groupe d’Israéliens qu’ils ont reconnus comme étant les résidents d’un avant-poste à proximité d’Elon Moreh et qui se servaient d’une scie électrique pour abattre des dizaines d’oliviers supplémentaires. Au total, quelque 900 oliviers ont été détruits dans le seul village de Salem depuis les six derniers mois. »
« La destruction des oliviers n’est pas seulement un coup mortel pour la survie des campagnards palestiniens, c’est avant tout un acte malsain reflétant le désir de s’en prendre à l’un des principaux symboles de l’attachement des Palestiniens à la terre et une tentative de prouver qu’en effet, les colons ont l’intention d’accaparer ces terres et d’en chasser leurs habitants. Mais la destruction de ces arbres symbolise également l’apathie, pour ne pas dire la cruauté, de l’occupation israélienne et de l’indifférence criminelle affichée vis-à-vis des actions des colons par les institutions censées faire respecter les lois. Les dégâts infligés aux arbres ne sont que la partie visible de l’iceberg dans les incessants sévices infligés par les résidents des avant-postes à leurs voisins. »
La signification de la manœuvre de Sharon
Personne n’irait imaginer qu’en opérant le retrait de Gaza, Sharon se serait « adouci ». Pour reprendre les paroles de Karma Naboulsi (chercheur au St Edmund Hall, à Oxford, et ancien représentant de l’OLP en Grande-Bretagne) : « Cette dernière année, sans protestations sérieuses ni beaucoup d’encouragements, Sharon a fait de Gaza la plus grande prison sur terre, il a déplacé des dizaines de milliers de colons vers la Cisjordanie et construit à travers les terres palestiniennes un mur illégal qui encercle et affame les villes, les villages et les fermes des Palestiniens. En fragmentant le territoire, il a fragmenté un peu plus encore le peuple palestinien qui appartient à ce territoire, tant les Palestiniens qui subissent l’occupation que ceux qui vivent un exil forcé en tant que réfugiés. »
En août, Sharon était cité dans un journal ultra-orthodoxe : « Les Américains nous ont souvent demandé d’esquisser les limites des vastes blocs de colonies en Judée et en Samarie (la Cisjordanie) et nous nous sommes souvent retenus de le faire dans l’espoir qu’au moment où viendraient les discussions sur les blocs de colonies, ces blocs comprendraient un très grand nombre de colonies et de résidents. » (Cité dans The Financial Times du 1er septembre.)
La politique de Sharon renvoie très clairement à un ensemble particulier d’objectifs :
- Encourager les colonies en Cisjordanie afin de faire passer une barrière entre les diverses zones à population palestinienne ;
- Encercler Jérusalem-Est de colonies et avoir une population juive la plus nombreuse possible à Jérusalem-Est de façon à nuire aux négociations du statut final concernant l’avenir de Jérusalem ;
- Minimiser la population arabe au sein de l’État d’Israël tel que celui-ci sera défini après la déclaration d’existence d’un État palestinien et, partant de là, réduire la menace constante pour Israël que représentent les taux de naissance nettement plus élevés parmi la poppulation arabe ;
- Créer un État palestinien qui soit géographiquement disposé de façon à le rendre impuissant et complètement dépendant pour sa survie de la bonne volonté d’Israël.
Alouf Benn, écrivant dans le Guardian du 26 novembre, suppose que « les développements stratégiques de ces dernières années – l’incessant conflit avec les Palestiniens de même que la disparition du ‘front oriental’ après la guerre contre l’Irak – ont amené Israël à considérer la démographie plutôt que la topographie comme son intérêt sécuritaire prioritaire. »
« Pour garder son identité nationale, Israël doit consolider sa majorité juive, en baisse, sur un territoire moins vaste. Cela signifie garder Jérusalem et les blocs de colonies adjacents, où vivent la plupart des colons, en des mains israéliennes et derrière la barrière de sécurité. »
L’annonce, au début décembre, qu’il allait constituer un nouveau parti (Kadima – « En avant ») pour concourir aux élections censées avoir lieu au début de l’an prochain était une reconnaissance par Sharon que le Likoud, dont il était un cofondateur, déborde de sionistes complètement cinglés qui sont tellement détachés de la réalité qu’ils considèrent le plan de Sharon mentionné ci-dessus comme une concession absolument inacceptable pour les Palestiniens et une trahison envers le peuple israélien.
Les résultats des élections en Cisjordanie indiquent un changement d’état d’esprit
Les premiers résultats des élections municipales de la mi-décembre en Cisjordanie indiquaient une victoire substantielle pour le groupe militant du Hamas. La commission élecrtorale palestinienne a déclaré que, dans la principale ville, Naplouse, le Hamas avait raflé 73 % des votes, contre 13 % seulement au Fatah. À Jénine, le Hamas remportait sept sièges au conseil, contre six au Fatah.
La remarquable performance du Hamas en Cisjordanie – traditionnellement très laïque – indique que les Palestiniens se lassent du processus apparemment sans fin consistant à essayer de persuader Israël de respecter ses engagements vis-à-vis de certains traités et plans internationaux, tout comme ils en ont assez du cycle des cessez-le-feu sabotés par Israël (le Hamas est repsonsable d’une part importante des attaques contre Israël depuis le début de la seconde Intifada). Tout le monde se rend bien compte de ce qu’est la stratégie israélienne et il semble bien que la seule façon de faire avancer réellement la cause palestinienne soit le retour à la lutte armée.
Les autorités américaines sont manifestement on ne peut plus claires sur ce qu’elles pensent du Hamas : la Chambre des Représentants a décidé à une large majorité que toute participation du Hamas au gouvernement de l’Autorité palestinienne « allait potentiellement saper la capacité des États-Unis à entretenir des relations constructives avec elle [l’Autorité palestinienne] ou à continuer à lui fournir de l’aide » (cité dans AP Worldstream, 16 décembre). En outre, la résolution affirme que la participation du Hamas au gouvernement de l’Autorité palestinienne et à sa direction « allait inévitablement soulever de graves problèmes pour les États-Unis à propos de l’engagement de l’Autorité palestinienne et de sa direction à vouloir faire la paix avec Israël ». Avec une ironie étonnante, le représentant démocrate Tom Lantos a déclaré : « Quand des milices terroristes participent aux élections, les électeurs sont intimidés. Les concepts de volonté de la majorité et de droits de la minorité perdent tout leur sens. » [On se demande si M. Lantos entend appliquer cette règle aux « élections » en Irak, y compris celles du 15 décembre !] Si l’on garde à l’esprit le palmarès des États-Unis dans le financement et la préparation de milices terroristes ainsi que l’imposition de sa volonté à des populations entières, c’est vraiment aller un peu trop loin !
L’Union européenne s’est elle aussi jointe aux chœurs contre le Hamas, quand le commissaire européen Javier Solana a déclaré que l’UE pourrait bloquer son aide à l’Autorité palestinienne si le Hamas remportait les élections parlementaires de janvier : « Il est très difficilement concevable que des partis qui ne condamnent pas la violence puissent être à l’avenir partenaires dans la vie politique. » (Cité dans : « Le président Abbas rencontre le haut représentant de l’Union européenne, Javier Solana », International Press Centre, www.ipc.gov.ps). Apparemment, personne n’a fait remarquer à M. Solana qu’en aucun cas, l’État israélien n’a rejeté le processus de la violence !
Il est évident qu’Israël et la « communauté internationale » sont désespérément effrayés de la résurgence d’une lutte armée palestinienne à plein régime et qu’ils font de leur mieux pour mettre sur la touche les sections les plus militantes du monde politique palestinien. Quelle ironie de se rappeler qu’à ses débuts, le Hamas a été soutenu par Israël parce qu’il constituait un contrepoids au mouvement laïc du Fatah.
Les hyènes impérialistes et leurs larbins sionistes ne se lassent jamais de mentionner le « déficit démocratique » de l’Autorité palestinienne. Toutefois, quand le peuple palestinien exerce son droit de vote, on lui jette au nez qu’il s’agit d’une insulte à la démocratie s’il élit les personnes inacceptables aux yeux de l’impérialisme et du sionisme.
À son crédit, l’Autorité palestinienne a répondu de façon on ne peut plus correcte aux menaces des États-Unis et de l’Union européenne : « Pour répondre à la déclaration de Solana, le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Rdeina a dit que le Hamas avait le droit de participer aux élections, puisque telle est la décision palestinienne, et que l’ensemble de la communauté internationale devait respecter le choix et les décisions des Palestiniens. » (op.cit.)
La scission du Fatah a devancé les élections parlementaires
Le 15 décembre, on apprenait que plusieurs membres du Fatah avaient décidé de rompre afin de constituer leur propre liste en vue des prochaines élections parlementaires de janvier. Le groupe, appelé Mustaqbal (« l’avenir »), est dirigé par le vétéran de l’Intifada, Marwan Barghouti, qui purge actuellement plusieurs condamnations à perpétuité dans une prison israélienne, et il compte également en ses rangs plusieurs personnalités importantes issues en particulier de la « jeune garde » du monde politique palestinien.
Nous ne sommes pas en mesure de produire des commentaires très détaillés de cette scission. Nous faisons toutefois remarquer incidemment que la « jeune garde » qui a fondé Mustaqbal est plus favorable aux négociations que l’« ancienne » (je vois que le groupe dissident comprend des personnages comme Mohammed Dahlan et Jibril Rajoub, tous deux « appréciés » à la fois par Israël et la « communauté internationale »). Ce qui est vrai, en tout cas, c’est que l’appel commun du groupe dissident y va d’une critique publique de la corruption et du népotisme qui, dit-il, caractérisent la vieille garde du Fatah. Le groupe déclare qu’il va tenter de « moderniser et de démocratiser le Fatah en se rebellant contre la direction de celui-ci ».
Dans une interview accordée à l’Independent du 16 décembre, Nasser Juma, un membre du nouveau groupement, avance un avis hautement critique sur la seconde Intifada, indiquant que «l’avenir» envisagé par le groupe consiste en un degré plus élevé de compromis plutôt qu’en un plus grand degré de résistance : « Il a sans équivoque condamné le dernier attentat suicide à la bombe à Netanya et il est tout disposé à blâmer l’Iran pour avoir été derrière d’autres attentats du jihad islamique. Chose plus étonnante, il croit que l’Intifada ou, du moins, sa forme, a fait le jeu de la droite israélienne et des intentions de Sharon d’accaparer le plus de territoire possible en compatibilité avec le besoin démographique d’avoir un Israël avec une population juive majoritaire. »
« ‘Il était clair que les Israéliens nous ont fermé la porte, mais aussi – permettez-moi d’être franc – que la direction palestinienne sous Arafat (…) se trompait. Ils auraient dû faire une évaluation claire de la question de savoir qui a tiré parti de l’Intifada et, précisément, ce fut Sharon.’ »
« La stratégie du Hamas concernant les attentats suicides, qui a contribué à ‘entraîner’ les factions du Fatah à des attentats suicides contre des civils israéliens, a été, croit-il, une catastrophe. ‘La direction, sous le commandement d’Arafat, nous a menés au désastre. Parfois, nous semblons l’ignorer, mais c’est un fait.’ »
Personne un tant soit peu au courant des faits ne pourrait être d’accord avec l’analyse de M. Numa – sans la menace des armes palestiniennes, Israël aurait tout simplement chassé les Palestiniens depuis longtemps. C’est seulement à cause de l’héroïque lutte armée des Palestiniens qu’Israël a fait des concessions. Dans cela, la question de l’existence d’un État palestinien n’en serait même pas une.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a tenté d’apaiser la faction sécessionniste en plaçant également Marwan Barghouti en tête de la liste officielle du Fatah. Pourtant, il n’y a toujours pas eu de rapprochement. Il reste à voir comment le public palestinien va réagir à de nouveaux développements, mais nous espérons sincèrement qu’ils ne se laisseront pas berner au point d’avaler la ligne américano-israélienne parlant de « démocratie » palestinienne et de « réformes ». En outre, il est surtout à espérer que la « jeune garde » du Fatah ne permettra pas à Israël de la préparer ni de la présenter comme le futur gouvernement d’un type d’« État » palestinien tel qu’envisagé par Sharon et consorts, c’est-à-dire une collection de ghettos disséminés, sous la domination politique et économique d’Israël.
La démocratie palestinienne n’est toujours pas un problème
Nous avons dit depuis longtemps, et nous le dirons, que la question de la démocratie interne palestinienne est un épouvantail, une vulgaire tentative inspirée par l’impérialisme de détourner l’attention de l’occupation brutale, illégale et insupportable par Israël de la Cisjordanie et de Gaza, et de créer des divisions au sein même du camp palestinien.
Le fait est que, même si l’étranglement militaire et économique par Israël rendent pratiquement impossibles un pouvoir effectif et l’existence d’institutions démocratiques, l’Autorité nationale palestinienne et le corps qui se trouve derrière elle, l’Organisation de Libération de la Palestine, sont cent fois plus démocratiques que les gouvernements d’autres pays de la région, tels le Koweït et l’Arabie saoudite. Nous invitons le lecteur à se pencher sur la question de savoir pourquoi le manque supposé de démocratie en Palestine est une caractaristique rabâchée quasi quotidiennement dans la presse impérialiste, alors que le niveau de démocratie d’États comme le Koweït et l’Arabie saoudite n’est que très rarement mentionné. Serait-ce peut-être que les intérêts de l’impérialisme sont bien représentés par les gouvernements de ces derniers pays, alors que l’OLP refuse obstinément de s’aligner sur ces mêmes intérêts ?
La démocratie et la réforme gouvernementale en Palestine ne constituent pas le problème. Ce n’est pas la corruption du Fatah ni les « détournements de fonds » qui ont provoqué, ou provoquent, les souffrances infâmes endurées par le peuple palestinien, mais bien l’occupation israélienne, à laquelle il convient de mettre un terme, et par tous les moyens nécessaires.
Dans un article rédigé au début 2005, Karma Nabulsi fait remarquer : « Nous, les Palestiniens, n’avons nullement besoin de leçons de democratie – au cours des dix dernières années, les Palestiniens ont résisté à des tentatives concertées pour transformer nos institutions en agences représentant les besoins d’occupation d’Israël (…). Si la communauté internationale veut mettre en pratique une bonne façon de gouverner, ses représentants n’ont qu’à écouter les requêtes courtoisement exprimées par les délégations palestiniennes : l’application des lois internationales, la réintroduction du multilatéralisme, le besoin urgent d’une conférence internationale qui aborde les questions de statut final concernant les frontières, les colonies, les réfugiés, l’eau et Jérusalem. Voilà la réforme dont nous avons un besoin urgent. »
La victoire à l’Intifadah !
Qu’importe ce que mijote Sharon et qu’importe qu’il y ait des scissions au sein du Fatah, le fait est que le peuple palestinien ne veut tout simplement pas accepter la moindre transaction, à propos de son statut d’État, qui ne comporte en même temps tous les éléments suivants :
-Le retrait israélien de la totalité de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ;
-Jérusalem-Est en tant que capitale du nouvel État palestinien ;
-Une résolution négociée pour les réfugiés palestiniens, laquelle s’appuie sur leur droit au retour dans leurs foyers dans ce qui est aujourd’hui Israël.
Ce compromis historique, tel qu’il est formulé dans les Accords d’Oslo est franchement une pilule amère pour le peuple palestinien, qui a dû subir massacres, vols de terres, assassinats, évacuations forcées et oplus encore durant plus de cinquante ans. Néanmoins, c’est une pilule amère qu’il a accepté d’avaler dans les intérêts de la réalisation d’un Etat palestinien indépendant. Cependant, rien de moins que ce qui est mentionné ci-dessus n’est ni ne sera jamais acceptable aux yeux du peuple palestinien.
Puisque l’État d’Israël a l’intention de poursuivre sa politique d’assassinats et d’expropriations de terres et de ne laisser qu’un État palestinien très dilué, constitué sur les cartes de ghettos isolés, il apparaît bien plus probable que les Palestiniens vont devoir recourir une fois de plus au seul langage que semblent comprendre les Israéliens – celui de la résistance armée. Personne ne sera en mesure de dire qu’ils n’ont pas essayé tous les moyens pacifiques dont ils disposaient. En fin de compte, les Israéliens se sont montrés très peu désireux de respecter les accords et leurs propres engagements.
« L’histoire ne connaît pas de précédent d’un peuple qui ait été obligé de négocier la façon de se débarrasser d’une occupation par la seule voie diplomatique alors que l’occupant était bien décidé à s’accrocher à son pays. D’autre part, les exemples de négociations menées à bien une fois que l’occupant à accepté de quitter le pays de l’autre sont légion. L’exemple très souvent utilisé par Arafat était celui de de Gaulle, en 1958, avec son appel à ‘la paix des braves’ avec le mouvement armé de libération de l’Algérie, le FLN. Arafat représentait une réalité importante – la paix viendra lorsque les Palestiniens auront obtenu leur liberté, et pas une minute plus tôt. » (Karma Nabulsi, op. cit.)
Aussi longtemps qu’ils refuseront de se soumettre à la volonté des sionistes et qu’ils garderont cette adroite combinaison de résistance et de diplomatie qui caractérise leur lutte depuis si longtemps, ce ne sera qu’une question de temps avant que les Palestiniens gagnent un État indépendant et viable avec Jérusalem-Est comme capitale.
Sources : LAI
Posté par Adriana Evangelizt