Les difficultés qui attendent le Hamas
Le Hamas accède à l'exécutif palestinien
dans des conditions difficiles
par Gilles Paris
Large vainqueur des élections législatives palestiniennes du 25 janvier, le Mouvement de la résistance islamique (Hamas), qui refuse de reconnaître Israël et juge légitime le recours à la lutte armée, va faire ses débuts officiels dans les institutions palestiniennes samedi 18 février, lors de la première réunion du Conseil législatif, où il détient la majorité absolue. Deux nominations importantes devraient être entérinées à cette occasion. Le poste de président du conseil, qui assure l'intérim de la présidence de l'Autorité palestinienne en cas de vacance du pouvoir, devrait revenir à Abdel Aziz Doueik, élu en Cisjordanie, qui serait notamment assisté par un vice-président de Gaza, Ahmed Bahar.
L'un et l'autre sont des universitaires. Le nom de la tête de la liste "nationale" du Hamas aux élections, Ismaïl Haniyeh, basé à Gaza, pourrait enfin être proposé pour le poste de premier ministre, même si l'intéressé a assuré, jeudi 16 février, que les consultations se poursuivaient à l'intérieur du mouvement.
Ces trois responsables sont généralement rangés dans le camp des pragmatiques, dans la ligne du fondateur du Hamas, Ahmed Yassine, dont M. Haniyeh fut d'ailleurs le secrétaire. Mahmoud Zahar, présenté comme plus radical, présidera le groupe des députés islamistes, une fonction surtout symbolique compte tenu de la discipline qui règne de coutume dans leurs rangs. M. Zahar ne figurait d'ailleurs qu'à la neuvième place sur la liste "nationale" du Hamas aux élections du 25 janvier.
Après la désignation du premier ministre, les islamistes disposeront au maximum de cinq semaines pour former leur premier gouvernement. Le Hamas souhaite constituer une "coalition nationale" le plus large possible où des "technocrates" sans lien direct avec lui pourraient figurer. Ghazi Hamad, rédacteur en chef de l'hebdomadaire islamiste Al-Rissala et proche de M. Haniyeh, juge désormais peu probable la participation du Fatah, pourtant souhaitée par les islamistes. La question des relations avec le mouvement du chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, constitue d'ailleurs la première des préoccupations des islamistes, qui devront travailler avec une administration contrôlée par la majorité sortante. Cette dernière a procédé en catastrophe à une cascade de nominations et voté à la hussarde des lois pour renforcer le "domaine réservé" du chef de l'Autorité palestinienne, notamment le pouvoir de nomination d'une éventuelle cour constitutionnelle.
Le problème se pose tout autant pour les services de sécurité, entièrement tenus par le Fatah. Conscient de la capacité de nuisance du mouvement déchu, le Hamas exclut, dans ce domaine, de passer en force. Les islamistes revendiquent officiellement la direction de tout ce qui relève du domaine d'un ministre de l'intérieur : la police, la sécurité civile et, surtout, la sécurité préventive (le contre-terrorisme), qui fut longtemps le bras armé de l'Autorité contre les islamistes.
Détruit par Israël en Cisjordanie, ce service ne subsiste plus actuellement qu'à Gaza. Le Hamas va devoir se heurter également aux milices armées issues du Fatah, qui sont les principales responsables du chaos sécuritaire qui règne dans les territoires palestiniens, et dont certaines bénéficient de fonds publics. Les islamistes estiment ainsi à au moins 30 000 le nombre des "emplois fictifs" occupés par les miliciens issus du Fatah. " Quel pays accepterait une telle situation ?", s'indigne le vice-président pressenti du Conseil législatif, Ahmed Bahar.
La seconde préoccupation des islamistes concerne l'état des finances publiques palestiniennes et les menaces occidentales de gel d'une partie de l'aide massive versée à des territoires et à une administration asphyxiés par les bouclages israéliens. S'ils se font forts de compenser le gel de l'aide directe, budgétaire, par un soutien " arabe et islamique" accru, les islamistes souhaitent cependant le maintien "sans conditions" de l'aide occidentale. "L'Europe et les Etats-Unis veulent jouer un rôle ici. S'ils se désengagent, cela n'affectera pas le Hamas mais les Palestiniens. Je doute fort que cela soit le résultat recherché", estime le journaliste Ghazi Hamad. Pour l'instant, les islamistes semblent tellement absorbés par l'ampleur de la tâche qui les attend en politique intérieure que la question du rapport à Israël apparaît presque secondaire.
Gilles Paris, Le Monde du 18 février 2006
Chiffres
Fonctionnaires
L'Autorité palestinienne emploie plus de 140 000 personnes, selon les estimations d'organismes internationaux. Près de 70 000 d'entre elles travaillent dans les différents services de sécurité.
Budget
Déficitaire de 70 millions de dollars par mois, il s'élève mensuellement à environ 130 millions de dollars. Les sommes rétrocédées par Israël s'élèvent à environ 50 millions de dollars chaque mois.
Emploi
Parmi les mesures de rétorsion envisagées par Israël figure notamment la fin des permis de travail en Israël pour les travailleurs de Gaza. Des dizaines de milliers de Palestiniens travaillaient en Israël avant les accords d'Oslo. Ils ne sont plus que quatre mille.
Taux de chômage
Il est supérieur à 35 % de la population active. La moitié de la population palestinienne vit au-dessous d'un seuil de pauvreté fixé à 2 dollars par jour et par personne.
Sources : ALOUFOK
Posté par Adriana Evangelizt