Littérature d'Israël

Publié le par Adriana Evangelizt

Littérature d'Israël

par Jacques Eladan

Ecrivains israéliens contre théocratie et intégrisme juif

La littérature israélienne a pris à partir des années 1960, une tournure farouchement individualiste, en rupture totale avec le courant nationaliste consensuel qui y régnait avant et après la création de l'Etat d'Israël et qui s'est manifesté talentueusement chez des poètes tels que Nathan Alterman, Abraham Chlonski, Uri-Zwi Greenberg, Léa Goldberg, Chin Chalom ou des romanciers comme Chmouel Agnon (Prix Nobel de littérature en 1966), Haïm Hazaz et Moché Chamir. Les auteurs qui ont commmencé à publier après la fondation de l'Etat ont rompu brutalement avec toutes les idéologies majoritaires nées au sein des diverses mouvances du Sionisme en Diaspora ou en Palestine: nationalisme étatique, socialisme marxisant ou tolstoïsme d'Aaron David Gordon, car pour eux l'Etat juif indépendant n'était plus un idéal exaltant, mais une réalité banale avec tous les désenchantements que peut engendrer la banalité. Cette attitude se retrouve chez la plupart des grands noms de la littérature israélienne actuelle: Dan Pagis, Dalhia Ravikoitch, Yéhuda Amichaï, Haïm Gouri, Yona Wollach, A. B. Yéhochoua, Amos Oz, David Grossman, Batya Gur, etc.. Tous ces poètes et romanciers ont substitué aux sujets nationalistes et socialistes des thèmes individualistes et existentiels: l'amour, le désir, le sexe, la mort, la quête de l'identité personnelle, le non-sens de la vie et l'absurdité de la guerre. Cet individualisme a poussé la plupart de ces écrivains à devenir, dès 1967, des apôtres ardents de la paix avec les arabes et à militer pour un dialogue urgent avec les palestiniens. En même temps, l'individuation de la littérature israélienne en a fait l'espace privilégié pour l'expression de toutes les voix des minorités de la société israélienne, juifs marocains exclus par l'establishment ashkénaze, arabes israéliens, druzes, palestiniens nationalistes, juifs francophones et laïques originaux tels les tenants du mouvement cananéen.


Ainsi le poète Erez Bitton s'est fait l'écho des revendications des immigrants venus du Maroc et jetés dans des conditions économiques et culturelles affreuses dans les villes en développement. Né en 1942 en Algérie dans une famille marocaine, Erez Bitton est arrivé à l'àge de six ans en Israël. Devenu aveugle à la suite d'un accident, il a fait des études de psychologie, mais après l'émergence des "Panthères noires" qui rappelèrent avec violence l'existence du grave problème des laissés pour compte à cause de leur origine orientale, Bitton est devenu l'avocat de de toutes les victimes sépharades de l'exclusion. Son principal recueil, Le Livre de la menthe, a été traduit en français en 1981.


La communauté arabe a trouvé un écho à ses problèmes dans les oeuvres d'Emile Habibi et d'Anton Shammas. Décédé le 2 mai 1996 à l'âge de 74 ans, Habibi a ohtenu le plus grand prix littéraire de l'Etat hébreu, le Prix Israël, en mai 1992, sous un gouvernement Likoud. Son roman le plus imporumt, Soraya fille de l'ogre, a été publié en français chez Gallimard. Quant à Anton Shammas, poète et romancier qui écrit à la fois en arabe et en hébreu, il est surtout connu en France par son récit polyphonique, Arabesques, traduit en 1988. Les Druzes ont trouvé un porte-parole de valeur en Naïm Araydi qui écrit en hébreu et dont un magnifique choix de poèmes, Le trente-deuxième rêve a été traduit en français par Michel Eckhard-Elial en 1990. II ne faut enfin pas oublier les auteurs palestiniens nationalistes qui sont restés en IsraëI où ils ont profité de la liberté d'expression qui y a régné pendant un temps pour exprimer les revendications de leur peuple. Parmi ces écrivains, il faut mentionner Samih Al Quassim, ex-Président des auteurs palestiniens d'Israël, dont l'oeuvre a été traduite en une vingtaine de langues, et Salim Jabrane qui vit à Haïfa où il a dirigé le quotidien arabe communiste Al Ittibad, créé par Emile Habibi avant la fondation de l'Etat. Rappelons aussi que le plus grand poète palestinien, Mahmoud Darwich, qui a conquis une audience internationale, n'a quitté qu'en 1971 Israël où il a composé ses premières oeuvres qui l'ont imposé comme la conscience du peuple palestinien. N'oublions pas aussi les écrivains juifs francophones tels: Joseph Milbauer, André Chouraqui, Claude Vigée et Ami Bouganim qui ont réussi à maintenir une présence française dans la culture israélienne.


Parmi les voix minoritaires, une place singulière doit accordée aux écrivains du mouvement cananéen, créé dans les années '60 par le poète Yohahan Ratosh, dans la mesure où ces auteurs se rattachent à tous les courants littéraires du XIXème siècle, fondés sur l'exigence d'une transmutation totale des valeurs dans le monde juif. Au-delà de l'aspect folklorique de la mouvance cananéenne qui voulait renouer avec les divinités et la mythologie de Canaan, il faut surtout retenir de cette tendance son désir de rompre avec l'interprétation rabbinique de la Bible. En ce sens, les cananéens comme Ratosh, Aaron Amir ou Asher Reish ont repris les théories du poète hébreu le plus original de la première partie du XXème siècle, Saül Tchernichovski (1875-1943). Adversaire farouche de l'orthopraxie juive qu'il accusait d'avoir dévitalisé et dénaturé l'homme juif et fervent admirateur de la culture grèque, Tchernichovski a opposé dans son célèbre poème Face à la statue d'Apollon, l'éthique héllenique qui mène à l'épanouissement de l'homme à la morale rabbinique ascétique qui a étouffé dans l'âme juive tout élan vers la beauté, vers la liberté et la joie de vivre, qualifiant les scribes religieux de "révoltés contre la vie". Par ses attaques contre les orthodoxes juifs, Tchernichovski se rattache aux nombreux auteurs Maskilim (partisans des Lumières) du XIXème siècle, notamment au poète Yehouda leib Gordon (1830-1892) et à l'essayiste Micha Berdichevski (1865-1920). Deux auteurs qui ont vécu en Russie où ils ont révolutionné la mentalité de la jeunesse juive en la préparant à recevoir le message régénérateur du Sionisme. Dans son oeuvre poétique très riche, écrite dans un hébreu superbe, Gordon a traité les thèmes les plus variés: bibliques, post-bibliques, exil d'Espagne, et surtout les graves problèmes des juifs de son époque, opprimés par le fanatisme et l'obscurantisme des orthodoxes. Quel que fût le sujet traité, Gordon s'attachait à montrer à quel point l'esprit biblique, fondé sur l'amour de la vie et l'épanouissement de la personne au sein d'une nation libre, avait été trahi par les fanatiques qui ont enténébré l'univers juif par des lois inhumaines et asservissantes. Ces positions ont amené certains orthodoxes à dénoncer le poète comme comploteur et Gordon et sa famille furent incarcérés dans les prisons tsaristes pendant plusieurs semaines. Heureusement ses amis Maskilim réussirent à prouver son innocence. Après sa libération Gordon reprit son combat anticlérical avec plus d'ardeur encore, notamment en faveur de la libération des femmes, qui étaient -- et restent encore aujourd'hui -- les principales victimes du rigorisme rabbinique, comme il l'a montré dans son célèbre poème Un point du Yod. Dans cette satire, Gordon raconte l'histoire de la belle Batshéva, mariée contre son gré à un talmudiste parasite qui un jour décide d'aller chercher fortune très loin. Pendant des années il ne donne aucune nouvelle. Batshéva fait la connaissance d'un jeune ingénieur et ils tombent amoureux l'un de l'autre. L'ingénieur arrive après des efforts surhumains à retrouv'er les traces du mari et à obtenir le Gueth (acte de divorce) pour Batshéva mais le rabbin du village déclare que le Gueth n'est pas valable parce qu'il manque un point minuscule dans un Yod et ainsi la vie de Batshéva est gâchée à tout jamais. Quant à Micha Berdichevski, il a introduit dans littérature hébraïque moderne le Nietzschéisme et n'a cessé d'accuser les orthodoxes d'avoir imposé par la coercition et les menaces aux juifs résignés une morale d'esclaves qui tue en l'homme tous les désirs naturels. La pensée de Berdichevski peut se résumer dans cette phrase: "Le judaïsme dévore les juifs".


Ainsi, des grands auteurs de la littérature hébraïque du XIXème siècle, par leur subversion féconde contre la doxa théocratique, ont contribué à l'émergence d'un nouvel homme juif, libéré des contraintes orthopraxes et aspirant à l'indépendance nationale. Cet esprit subversif est réapparu sous les formes les plus diverses dans la littérature israélienne depuis les années '60 mais doit retrouver aujourd'hui, d'une manière urgente, sa voix anti-théocratique car les orthodoxes israéliens semblent déterminés à transformer la Knesset en Beit-Kneisset (Synagogue) et à imposer la théocratie à toute la société israélienne. Le rôle des écrivains israéliens doit consister actuellement à dénoncer au nom de la liberté de pensée, toutes les forces de régression religieuse dont le but principal est de bloquer le processus de paix et d'enterrer le sionisme laïque et humaniste des pères fondateurs de l'Etat. Il faut rappeler à ces intégristes fauteurs de guerre que pour le grand Israël qu'ils souhaitent, étant donné la démographie arabe, les juifs risquent de devenir minoritaires en Israël même.

Sources : République des Lettres

Posté par Adriana Evangelizt

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B
Effectivement, on serait d'accord avec vous....Si l'on possederait un esprit très étroit, résumé seulement par l'information diffusée par les medias.Et de la desinformation dont ces derniers sont les auteurs..Malgré tout, l'Etat d 'Eretz Israel en général et TSAHAL en particulier , je vous l'accorde, n'a jamais été toute blanche dans ses actions. Mais comment réagireriez vous si votre peuple est menacé en permanence par des fanatiques, victimes de lavage de cerveau, lui aussi permanent. Ne pas faire preuve d'indépendance d'esprit et de reflexion est, je le crain pour vous, votre grande faiblesse. <br /> Les arguments que vous avez publiez ne sont pas de vous.Jacques Eladan n'a pas besoin de personnes simples d'esprit et ignorants (il l'est déjà pour ce faire entendre. Il en possède déjà, malheureusement beaucoups. Le fait que vous n'ayez trouvé rien de mieux que de recopier cette article et une preuve de votre ignorance et de votre dépendance d'esprit.La tragédie de la Palestine est malheureusement, la tragédie d'Israel. Attiser la haine en publiant des textes auxquelle vous n'avez pas reflechi s'appelle, dans votre cas, de l'imbecilité pure et simple. Vous êtes malheureusement une personne dont l'esprit est dépendant des fausse idées reçues.<br /> Pour repondre à votre article, j'ai le plaisir de vous annoncer que l'Etat d'ISrael est un état dont la liberté de presse et de pensée sont plus que favorisées.<br /> Très honorablement<br /> le webmaster d'Israelsionisme Mag.<br /> <br />
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A
A Ben Avraham<br /> Au lieu de traiter les gens de personnes simples d'esprit et ignorant, penser que nous ne réfléchissons pas en posant nos textes, vous permettre de nous juger sans nous connaître et et nous taxer "malheureusement une personne dont l'esprit est dépendant des fausse idées reçues", nous prouve à nous que l'étroitesse d'esprit, c'est vous qui la possédez. D'ailleurs nous vous souhaitons d'être aussi large d'esprit que nous le sommes. Tout comme nous vous souhaitons d'être aussi lucides que nous sur la situation en Palestine. Je tiens quand même à vous signaler que non seulement nous sommes d'ascendance judaïque, que nous sommes allés tant en Israël qu'en Palestine et que certains d'entre nous ont même vécu en Israël avec leurs parents. Vfous n'avez pas à faire à des gens qui n'ont jamais bougé de France. Lfa différence entre vous et nous c'est que <br /> 1 Nous sommes Français<br /> 2 Nous sommes antisionistes. Nous entendons par là tant que nous sommes contre la colonisation diligentée par les idéologues sionistes sis à Washington et à Tel Aviv. De quel droit se permettent-ils de voler une terre qui ne leur appartient pas ? Et si vous nous donnez comme excuse que c'est D. qui vous a donné cette terre, pour nous elle n'est pas valable. La Thora, ce n'est pas D. qui l'a écrite mais les hommes. Tout comme ce n'est pas D. qui fait la loi sur terre mais les hommes. Nous sommes un peu plus réaliste que vous et n'avons subi aucun bourrage de crâne qui nous fait croire le contraire. <br /> D'autre part, vous nous dites   "Mais comment réagireriez vous si votre peuple est menacé en permanence par des fanatiques, victimes de lavage de cerveau, lui aussi permanent", ce à quoi nous vous rétorquons mais comment réagiriez vous si vous habitez un pays depuis des siècles et que des gens venus d'ailleurs s'y installent à votre place sans vous demander votre avis ? Prenons les choses à la racine, voulez vous ! Et bien, nous ferions comme ceux que vous nommez des fanatiques alors qu'ils ne sont que Résistants. Nous ferions comme nos parents et grands parents lors de l'occupation allemande, nous prendrions les armes et nous nous battrions pour la liberté et contre l'Occupant. <br /> Il nous semble que le parti pris, le manque de lucidité et même de cohérence, c'est vous qui les possédez mais vous en taxez les autres. Vous refusez de voir la vérité en face. Vous cautionnez l'idéologie Sioniste et tout ce qu'elle perpètre. Nous allons même vous dire mieux, ce qui se perpètre là-bas, nous fait honte. Oui, nous avons honte d'être Juifs à cause du Sionisme qui a trahi le Judaïsme. Voilà notre façon de penser. Et nous sommes suffisamment fiers de ce que nous sommes pour ne pas, nous, cautionner le pire et nous en faire les complices. Nous possédons une conscience qui nous interdit cet état de fait. Enfin depuis quand voler les autres, les assassiner et les traiter comme des sous-hommes est une qualité ? Soyons réalistes !<br /> Vous voyez, vous nous attaquez en croyant peut-être nous blesser mais nous sommes au-dessus de cela. Nous nous voulons un exemple et que notre conduite soit irréprochable avec nos semblables et nous pouvons vous assurer que nous ne sommes nullement victime d'antisémitisme, justement à cause de cela. <br /> Voilà Ben Avraham et sans rancune.<br />  <br />  <br />