Une bataille cruciale pour le nouveau Moyen-Orient

Publié le par Adriana Evangelizt

 

 

Une bataille cruciale pour le nouveau Moyen-Orient


par Ramzy Baroud


Maintenant que la plupart des portes se sont refermées devant le nouveau Moyen-Orient, il leur restait une possibilité encore inexplorée : relancer le plan initial des néo-conservateurs en commençant par le Liban. Mais pourquoi le Liban ?


Les retombées du Liban

Utilisant la capture de deux soldats israéliens le 12 juillet - dont l’unité avait apparemment pénétré sur le territoire libanais - comme d’un prétexte, l’administration Bush est passée rapidement à l’action : imaginez encore un nouveau Moyen-Orient, où démocratie et liberté prévalent sur pression politique et oppression.

Depuis que les néo-conservateurs ont pris en main la politique étrangère de l’Amérique, il est devenu évident qu’ils n’agissent pas avec une telle impulsivité. Le plan pour un nouveau Moyen-Orient a été présenté dès 1992 par d’autres néo-conservateurs moins influents. Puis cette visée s’est accentuée en 1996 avec Richard Pearle et compagnie, conseiller du Premier ministre d’Israël de l’époque, Benjamin Netanyahu.

Se saisissant de la tragédie de l’agression terroriste du 11 septembre pour accomplir ce qu’il leur semblait jusqu’alors irréalisable, les néo-cons de Washington n’hésitaient pas devant la tâche : invasion de l’Iraq, puis l’Iran et la Syrie, ce qui ferait rentrer bien entendu le Liban dans la zone d’influence politique d’Israël. Israël qui s’est vu confier la tâche inquiétante d’imposer la solution qui lui paraîtra opportune aux Palestiniens qui n’ont aucun moyen de défense. Mais alors que tout semblait prêt pour que naisse enfin ce nouveau Moyen-Orient, les Iraquiens ont opposé une résistance si forte qu’elle a amené la puissance militaire de l’Amérique à s’enliser et à consommer ses ressources au-delà de toute espérance. Aux dizaines de milliards que coûtait la guerre initialement, il a fallu ajouter des dizaines de millions et ce n’est pas fini.

Ce fut un secret pour personne que les ambitions des néo-conservateurs pour un nouveau Moyen-Orient allaient être, un fois de plus, remises à plus tard. Aussi, le débat s’est porté sur une question beaucoup plus urgente : comment se sortir de l’Irak avec le moins de dégâts politiques possibles ? Pendant que les Américains se querellaient à propos de ce dilemme, certains, prêts à tout, liés à l’administration, affirmaient qu’un nouveau Moyen-Orient était toujours possible.

Ils ont perdu espoir progressivement avec l’Iran qui exige le respect de son droit à la technologie nucléaire et il y avait peu ou pas d’enthousiasme de la part du grand état-major de l’armée américaine pour aller exporter leurs bourdes à l’est de la frontière irakienne.

A ce scénario étrange et inquiétant, il faut encore ajouter un retour de flamme contre leur projet de démocratie exemplaire pour le Moyen-Orient. Ils avaient prévu de remodeler la région en passant par la petite porte. L’apparition du Hamas, l’ennemi le plus redoutable d’Israël en Palestine, qui fut le résultat de la plus démocratique et de la plus transparente des élections qui se soient tenues au Moyen-Orient, a mis à jour la comédie américaine de la démocratie à un sacré moment et de la façon la plus ironique. Les mêmes Palestiniens à qui on avait demandé de s’élever au niveau démocratique d’Israël ont été punis, collectivement, et par la suite, on leur a supprimé les aides simplement pour ça. La nuisance de leur démocratie fut démontrée encore par un autre épisode embarrassant pour l’administration américaine, signe annonciateur présumé de cette démocratie. Alors que la secrétaire d’Etat, Conoleezza Rice, faisait le tour des capitales du monde pour obtenir l’accord sur les sanctions par son gouvernement contre les Palestiniens, Israël s’est déchaîné dans la campagne la plus violente contre les Territoires occupés, avec plusieurs centaines de morts et arrêtant une grande partie des députés et ministres palestiniens.

Maintenant que la plupart des portes se sont refermées devant le nouveau Moyen-Orient, il leur restait une possibilité encore inexplorée : relancer le plan initial des néo-conservateurs en commençant par le Liban. Mais pourquoi le Liban ?

Les doctrines initiales des néo-conservateurs - celle de Paul Wolfowitz de 1992 et celles du Projet pour un nouveau siècle américain, des années plus tard - assuraient l’effondrement du front libanais aussitôt la menace syrienne éliminée. La Syrie, croit-on, tient toutes les cartes de la politique du Liban. La Syrie, cependant, n’est pas perçue comme une menace militaire comme l’est l’Iran ; les réseaux politiques aux Nations unies et au Congrès américaine ont donc été utilisés pour faire pression sur la Syrie pour qu’elle abandonne sa forteresse libanaise au bénéfice d’un gouvernement libanais proaméricain. Les évènements qui ont suivi n’ont été en rien conformes aux conceptions israéliennes : le désarmement du Hezbollah ne s’était pas fait alors qu’il préparait la voie d’un retour triomphant d’Israël pour étendre son influence politique en tant que puissance régionale sur ses voisins du nord et repousser davantage la Syrie dans son coin, expulsant par la suite les factions de l’occupation anti-israélienne basées à Damas.

Les moments désespérés appellent des mesures désespérées, cela ne peut être plus vrai que dans la guerre d’Israël contre le Liban. D’après les articles de presse, les projets de guerre israéliens contre le Liban étaient concoctés depuis des années. Des rapports des Nations unies indiquent que les forces israéliennes ont traversé la frontière libanaise à de nombreuses reprises dans le passé - depuis leur retrait de la plus grande partie du territoire libanais en juillet 2000 - la plupart du temps sans réaction de la part de la résistance libanaise. Le 12 juillet fut l’exception. La raison pour laquelle le Hezbollah a choisi de répondre à la provocation israélienne à une telle échelle et à ce moment particulier reste floue. Sa direction a-t-elle cru que capturer des soldats israéliens renforcerait sa position une fois que la guerre israélienne annoncée se serait déchaînée ?

La vérité est que la guerre contre le Liban était préméditée avec l’espoir d’une guerre facile qui mettrait fin à toute résistance, contraindrait le pays à un accord de paix imposé, porterait un coup aux ambitions régionales de l’Iran et de la Syrie, et, le plus important, réduirait l’importance régionale de l’Iran, un peu comme une pierre de gué pour aller vers le changement de régime, envisagé depuis longtemps.

La défaite du Hezbollah aurait en effet ranimé, et permis le plein retour des projets initiaux des néo-conservateurs pour le Moyen-Orient. Il n’est pas surprenant que la secrétaire Rice ait monté au créneau et déclaré étourdiment qu’un nouveau Moyen-Orient serait nécessaire dès qu’Israël aura commencé à pilonner l’infrastructure civile du Liban. Le Moyen-Orient a besoin en fait de temps, de patience et de bien autre chose, mais surtout d’un « cessez-le-feu immédiat ».

La guerre contre le Liban a en effet généré un nouveau Moyen-Orient, mais pas vraiment celui pour lequel les USA et Israël oeuvrent depuis si longtemps. Les Arabes, pour la première fois dans leur histoire récente, parlent sans réserve d’une véritable victoire militaire. Evidemment, ni les USA ni Israël ne sont prêts à accepter un tel bilan. Sans nul doute, une bataille décisive pour un nouveau Moyen-Orient se joue au Liban, la question est de savoir qui la définira et à quel prix ?

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Ramzy Baroud, journaliste étasunien, enseigne la communication de masse à l’universite de Technologie de Curtin ; il est l’auteur de La seconde Intifada : chronique du combat populaire. Il est aussi rédacteur en chef de PalestineChronicle.com. Il peut être joint à : editor@palestinechronicle.com.


Ramzy Baroud

17 août 2006 - http://www.counterpunch.org/baroud0...
Traduction : JPP
Sources : CCIPPP
Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans SIONISME

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