Le Hamas peut être pragmatique
La victoire très nette du mouvement islamiste inquiète. Et pourtant, le Hamas pourrait infléchir sa ligne dure et imposer un arrêt des attentats.
Palestine « Le Hamas peut être pragmatique »
recueilli par Ivan du Roy
Avec 74 sièges sur 132, le Hamas a obtenu la majorité absolue au conseil législatif palestinien. Pour la première fois depuis la création de l’Autorité palestinienne en 1994, le Fatah perd le monopole de la représentation politique et laisse la place à un mouvement qui – comme le Fatah auparavant – prône la lutte armée et la destruction de l’État d’Israël. En votant pour le Mouvement de la résistance islamique, créé en 1987, les Palestiniens ont préféré sauter dans l’inconnu plutôt que de s’enfermer dans une situation de pourrissement, offrant peu de perspectives.
Réponse à quelques interrogations avec Barah Mikaïl, chercheur à l’Iris.
TC : Quelles sont les raisons essentielles de la victoire du Hamas ?
Barah Mikaïl : La plus grande source de frustrations des Palestiniens est l’absence de reprise de négociations avec les Israéliens. L’élection de Mahmoud Abbas comme président, l’année dernière, a été un vote de raison. Il était jugé le plus apte à reprendre les négociations. Un an plus tard, celles-ci sont au point mort et les Palestiniens restent asphyxiés économiquement. Le chômage est à 60 %. Il n’y a aucune possibilité visible d’amélioration du quotidien. Ils n’ont pas voté pour la reprise des attentats, mais ont sanctionné le Fatah, impliqué également dans des affaires de corruption.
Le Fatah connaît aujourd’hui une grave crise interne. Risque-t-il d’imploser ?
Il y a déjà eu une scission entre la vieille et la jeune garde en décembre dernier. Les caciques du Fatah, qui tiennent à leurs acquis financiers et à leur pouvoir politique, sont contestés par une autre frange. Celle-ci est en faveur d’une réforme et d’un Fatah plus persuasif vis-à-vis de la communauté internationale et d’Israël, un Fatah qui serait moins soumis à leurs desiderata. Une unité de façade a été affichée jusqu’aux élections, l’un et l’autre des courants ayant opté pour Marouan Barghouti érigé en représentant des deux camps. La situation de crise actuelle risque en effet de s’aggraver.
L’exercice du pouvoir peut-il changer le Hamas ?
C’est le Hamas qui pour l’instant fait le plus preuve de pragmatisme et de raison. Cela se traduit par la volonté de ne pas exclure le Fatah du gouvernement, de se laisser une porte de sortie pour pouvoir négocier avec Israël et défendre les intérêts des Palestiniens auprès de la communauté internationale. La balle n’est pas seulement dans le camp du Hamas,elle est aussi dans celui du Fatah qui adopte une attitude de déni et tente de mettre à mal la légitimité du Hamas. Ce n’est pas sage dans la période actuelle. La victoire du Hamas est le résultat d’un processus démocratique imparfait mais effectif.
Le Hamas reconnaît-il les frontières de 1967 ?
Si l’on s’en tient à sa fameuse charte, le droit à l’existence d’Israël est nié. Mais si on prête attention à son programme électoral et aux déclarations de ses dirigeants, on voit une évolution. Cette attitude remonte à 2004, avant l’assassinat du cheikh Yassine, le fondateur du Hamas. Il avait signifié la possibilité de la reconnaissance d’Israël et d’une trêve. C’est une reconnaissan-ce implicite qui n’a pas encore été formalisée, mais qui est partagée par certains dirigeants.
La victoire du Hamas aura-t-elle des conséquences sur les élections législatives israéliennes, fin mars ?
Quels que soient les gouvernements, les modalités de composition avec les Palestiniens ne changent quasiment pas. C’est entre gouvernements et population que la distinction est la plus nette. Selon les sondages, plus de la moitié des Israéliens sont favorables à la réouverture des négociations, quitte à le faire avec le Hamas, même si sa victoire a pu choquer. On constate, là aussi, une sorte de pragmatisme. Le gouvernement est plus intransigeant. Les élections devraient être dominées par deux thèmes : économique et sécuritaire. Ce dernier primera en cas d’une reprise des attentats par des organisations palestiniennes, le Djihad islamique ou les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa. Le Hamas a intérêt à tenir ses troupes et à continuer de suspendre ses attentats suicides. S’il poursuivait la lutte armée, il se verrait reprocher cet engrenage de la violence par la population. Il doit prouver sa capacité à assurer la sécurité.
Le Hamas privilégiera-t-il l’Union européenne plutôt que les États-Unis dans les relations avec la communauté internationale ?
L’Union européenne est jugée moins hostile aux Palestiniens que les Américains. Elle est en plus le principal donateur des Palestiniens. Il y a là une opportunité pour l’Europe de peser et de réaffirmer son rôle. Le Hamas abondera probablement dans ce sens. Il est conscient des enjeux financiers pour les Palestiniens et cherche à composer pour maintenir une voie politique.
Sources : Témoignage chrétien
Posté par Adriana Evangelizt