La Palestine après la victoire du Hamas
La Palestine après la victoire du Hamas
Quelle que soit l´appréciation politique que l´on porte sur ce vote, nous devrions tous dénoncer ce scandale : le peuple palestinien vient d´élire démocratiquement ses députés mais la réelle souveraineté restera, avant comme après les élections, aux mains des colons et de l´armée israélienne d´occupation. L´Etat d´Israël va continuer l´emprisonnement de tout un peuple et sa colonisation. Il faudrait, comme l´écrit notre ami José Luis Moragues, des CCIPPP, engager une campagne pour exiger du gouvernement français qu´il respecte le vote du peuple palestinien et ses représentants démocratiquement élus. Il souligne que « lancer une pétition nationale (voire européenne) nous offrirait un support pour nos interventions publiques (marchés, places publiques etc.), nous permettrait de combattre l'alliance ouverte et affichée maintenant de l'Europe avec Israël. La Palestine est sans doute l´unique exemple au monde d´une démocratie baillonnée.
On ne peut pas rester à attendre et compter les coups... Je conçois la pétition comme un moyen d'action auprès de la population, associations, syndicats etc. Elle suppose qu'on a grosso-modo un point de vue relativement unifié sur la question et qu'on contre attaque par rapport à l'offensive généralisée contre le peuple palestinien. (...) Il faut démystifier le fait que l'étranglement soit seulement dirigé contre le Hamas, ce n'est qu'un prétexte, avant c'était Arafat, puis Mahmoud Habas etc... »
Nos camarades palestiniens du DWRC ( Centre pour la Démocratie et les Droits des Travailleurs) nous ont écrit cette semaine « il est crucial pour nous que les missions civiles continuent, non seulement parce que l´occupation israélienne n´a pas cessé avec la victoire du Hamas aux élections (notre situation est la même, et nous risquons même d´être plus isolés), mais aussi et surtout parce que plus que jamais il est important de renforcer la solidarité entre les peuples et les individus pour dépasser les stéréotypes culturels et religieux, promouvoir la tolérance et l´entente autour de nos valeurs communes (les droits humains fondamentaux, la liberté, la justice, etc) et combattre la désastreuse théorie de la « guerre des civilisations » que l´administration Bush a érigée en idéologie politique.»
-- Le sourire de Georges Bush...
La victoire du Hamas n´a pas effrayé la Maison Blanche et le gouvernement Israélien, bien au contraire. Au lendemain des élections, Georges Bush avait le sourire aux lèvres, en déclarant qu´il n´était évidemment pas question de discuter avec des « terroristes ». Derrière le mur de la honte qui avance inexorablement, l´enfermement des palestiniens peut s´achever « puisque, n´est-ce pas, il n´y a pas de partenaire pour la paix du côté palestinien... ». Trois millions de palestiniens sont condamnés à vivre dans de petites « réserves » isolées les une des autres, des prisons à ciel ouvert comme Gaza, comme les bantoustans d´Afrique du Sud à l´époque du pouvoir des racistes blancs. Les Palestiniens, pour la plupart d´entre eux, ne pourront même pas en sortir, ni pour trouver du travail, ni même pour aller vendre leur production agricole.
-- Le sens du vote en faveur du Hamas
Le vote des Palestiniens est avant tout un vote de désespoir et de colère contre l´occupation. C´est aussi un vote sanction contre une autorité palestinienne impuissante face à cette occupation, mais aussi critiquée pour ses carences de démocratie. Le prétendu « retrait israélien » de Gaza n´a pas été un retrait de l´armée israélienne. Elle continue d´intervenir régulièrement à Gaza qui est toujours une prison à ciel ouvert, surpeuplée pour un million et demi de Palestiniens. Tout le battage médiatique autour du « retrait de Sharon » n´a fait qu´aggraver leur exaspération.
-- Le Hamas face aux idéaux progressistes des mouvements historiques de la résistance palestinienne
Comme le dit Leïla Shahid dans l´interview accordée au journal de la CGT la Nouvelle Vie Ouvrière, il ne faut diaboliser le Hamas : « Le Hamas n´est ni les Talibans, ni Al-Qaida. Il est issus du Mouvement des Frères Musulmans égyptiens, avec une double composante islamiste et nationale, anti-colonialiste. ( ...) Selon les sondages, 60% de ses électeurs ne sont pas islamistes. Des chrétiens ont voté pour ses candidats. Et la majorité l´affirme : elle refusera toute tentative d´imposer une législation islamique ou de réviser les programmes scolaires. Le mouvement est en train d´opérer une mue politique, passant d´une opposition frontale au principe de négociations, au choix de s´intégrer au système politique. »
-- Le vote Hamas, un recul de la révolution ou une expression de la résitance ?
Il faut pourtant aussi reconnaître que programme et l´idéologique du Hamas ne sont pas ceux des mouvements historiques de la résistance. Ils expriment un recul des grands idéaux de la révolution palestinienne. Celle-ci a toujours été « l´avant garde » du monde arabe. C´est cela qui a toujours fait si peur à l´impérialisme, à l´Etat d´Israël et aussi aux dictatures arabes qui craignent la contagion des idées progressistes. Car L´OLP avait toujours défendu le projet d´un état palestinien laïque et démocratique. La lutte contre l´état d´Israël n´avait jamais été présentée par la résistance comme un conflit religieux. C´était un conflit anti-colonial, progressiste et anti-impérialiste. Les femmes de la résistance palestinienne ont été à l´avant garde du combat pour l´émancipation des femmes dans le monde arabe.
-- Avant tout , un vote sanction
Pourtant, même si c´est paradoxal, ce recul incontestable cache autre chose : ce vote est l´expression, certes déformée, de la volonté farouche de résistance du peuple palestinien. Il n´a pas voulu donner un chèque en blanc au Hamas. Il a seulement sanctionné par les urnes le pouvoir en place, parce que ce pouvoir s´était montré faible et impuissant à le défendre face à l´occupation.
-- Le décalage entre l´aspiration du mouvement social palestinien et sa traduction politique électorale
La colère des Palestiniens s´exprimait quotidiennement et de plus en plus fort ces dernières années : manifestations de villageois contre le mur, grèves ouvrières, création de nouveaux syndicats de travailleurs, comités de chômeurs (surtout à Gaza depuis 2002 et à Hébron depuis 2005), mobilisation des prisonniers et de leurs familles etc. Nous avons pu voir en avril 2005, au cours d´une manifestation pour les prisonniers devant le siège du gouvernement, une mère de prisonnier s´en prendre sans détour au ministre qui se disait impuissant « si vous ne pouvez rien, faire, alors ne profitez pas de la place, démissionnez tout de suite du gouvernement ! ». Les manifestations devant le parlement étaient fréquentes et parfois interrompaient les séances de l´assemblée ( nous en avons été les témoins en avril/mai 2005)
-- Un vent nouveau de démocratie ouvrière et syndicale
Depuis le début de l´année 2005, les syndicats de travailleurs manifestent de plus en plus souvent dans la rue. Un syndicat national des travailleurs de la pierre s´est constitué en avril 2005. Les tailleurs de pierres avaient fait une grève reconductible très dure dans la région de Bethlehem il y a déjà quelques années. Ils bloquaient alors les routes avec des camions : « c´était comme une Intifada ouvrière... » nous disait Mahmoud Ziade l´un des animateurs de ce nouveau mouvement syndical. En avril 2005, 12 000 travailleurs, avec ou sans emploi, de Gaza avaient encerclé pendant toute une journée le siège du parlement. Cette manifestation était organisée par les syndicats démocratiques de Gaza.
Le Centre pour la Démocratie et les Droits des Travailleurs ( DWRC) nous écrit que, ces derniers mois, des syndicats palestiniens ont encore vu le jour. Il y a eu la grève des enseignants du secteur public, celle, victorieuse, du syndicat des territoriaux d´Al Bireh, un puissant syndicat démocratique des télécommunications s´est constitué, un syndicat national des électriciens vient d´être fondé etc.
Ces nouveaux syndicalistes avaient été nos partenaires privilégiés pendant la mission des 50 syndicalistes et militants associatifs français, espagnols et suisses de mai 2004 en Palestine. Nous les avions ensuite invités pour une tournée syndicale européenne en novembre 2004. Leur délégation était composée à égalité d´hommes et de femmes démocratiquement élus. Ce mouvement social démocratique, laïc et aussi féministe, n´a pas encore de traduction politique, mais c´est lui qui exprime sans doute le mieux aujourd´hui les espoirs et l´avenir du peuple palestinien. Ce vent de démocratie syndicale traverse aussi maintenant plusieurs secteurs de la PGFTU, la centrale syndicale proche de l´Autorité Palestinienne.
Bien sûr, le gouvernement israélien et celui des Etats Unis occultent totalement ce mouvement social palestinien d´essence profondément progressiste et démocratique. Il ne parleront que du Hamas en le diabolisant pour justifier leur politique criminelle contre la Palestine occupée...
-- La mobilisation urgente de tous les internationaux
Dans la situation nouvelle ouverte par la victoire électorale du Hamas, l´action des internationalistes, tout comme celle des anti colonialistes israéliens, sera vitale pour empêcher l´isolement des Palestiniens. Il faut construire un « pont de la solidarité », par dessus le Mur de la Honte, un pont de mouvement social à mouvement social , entre l´Europe et la Palestine. Nous devons briser la chape de plomb, de silence et d´hypocrisie de nos gouvernements et des grands médias de la presse. Le peuple palestinien nous crie sa souffrance depuis plus de 50 ans mais ce sont les colonisateurs qui demandent à l´Europe de sanctionner économiquement ce peuple colonisé ! Comment les grandes nations peuvent-elles se taire alors que l´occupation israélienne bafoue en permanence le droit international et les résolutions des Nations unies ? Nous rejetons la « guerre de civilisation » voulue par Georges Bush. Nous voulons un monde de paix pour les Palestiniens et les Israéliens. Il faudra pour cela que les Palestiniens cessent d´être des colonisés et les Israéliens des colonisateurs. Tous les internationalistes doivent se mobiliser avec force pour cela : jeunes contre la guerre, volontaires pacifistes des missions civiles, acteurs du mouvement social et des syndicats ouvriers : tous avec le peuple palestinien et les anticolonialistes israéliens !
J.P.
Sources : ALOUFOK
Posté par Adriana Evangelizt