"Match historique" en Palestine

Publié le par Adriana Evangelizt



"Match historique" en Palestine


par Benjamin Barthe



Un match historique." Le slogan tapisse depuis une semaine les murs des villes de Cisjordanie et les pages des journaux Al-Qods et Al-Ayam. Dimanche 26 octobre, l'équipe nationale de football palestinienne rencontre, en match amical, son homologue jordanienne au stade de Ram, une banlieue de Jérusalem. Vu de l'étranger, une telle affiche, entre deux sélections qui émargent au 180e et au 112e rang du classement de la FIFA (Fédération internationale de football association), pourrait sembler anecdotique. Mais dans les territoires occupés, sevrés d'événements fédérateurs depuis des années, les deux mi-temps promettent de se transformer en une gigantesque kermesse nationaliste. "C'est le premier match international que la Palestine va pouvoir jouer à domicile, en face de son public, et qui plus est, à Jérusalem !", s'enthousiasme Izzat Hamzeh, l'entraîneur de l'équipe.

De fait, hormis une précédente rencontre contre la Jordanie, en 1997, disputée dans le stade de Jéricho, mais absente des tablettes de la FIFA car, à cette date, la Fédération palestinienne n'en faisait pas partie, le "onze" palestinien a toujours évolué à l'étranger. Cette expatriation forcée tenait à l'absence d'infrastructures aux normes internationales dans les territoires occupés, à la situation sécuritaire volatile et surtout à la difficulté - bouclage israélien oblige - de réunir les joueurs originaires de Gaza et de Cisjordanie sur une même pelouse palestinienne.

"Pour les qualifications au Mondial 2006, l'équipe s'entraînait à Ismaïlia, en Egypte, et jouait ses matches "à domicile" dans le stade de Doha, au Qatar, raconte Izzat Hamzeh. Afin de pallier l'absence de certains joueurs, interdits de sortie par les Israéliens, on a même sélectionné des joueurs chiliens d'origine palestinienne", se souvient-il. Avec la rénovation du stade de Ram, l'accalmie en vigueur dans les territoires occupés et l'énergie de Jibril Rajoub, le nouveau patron de la "Fédé" palestinienne, l'avenir se dégage enfin. Pour marquer les retrouvailles de l'équipe nationale et de ses supporteurs, Joseph Blatter, le président de la FIFA, sera dans les tribunes, accompagné du président palestinien Mahmoud Abbas. "Nous voulons ouvrir une nouvelle page, prouver au monde entier que notre équipe existe et que la Palestine n'est pas seulement synonyme de violences", dit Rami Rabi, défenseur latéral de l'équipe.

Cette renaissance annoncée vient après plusieurs décennies d'une histoire mouvementée. Officiellement, la sélection palestinienne a vu le jour en 1934, à l'occasion d'un match contre l'Egypte, au Caire, comptant pour les qualifications de la Coupe du monde prévue cette même année à Rome. Sous l'influence des occupants britanniques, le ballon rond avait fait de nombreux adeptes en Terre sainte. Futur chef de la délégation palestinienne à la conférence de paix de Madrid, en 1991, Haïdar Abdel Shafi, décédé en 2007, fut l'un des meilleurs joueurs de l'époque. Mais ce 16 mars 1934, l'équipe qui se fait étriller 7-1 par les Egyptiens est composée exclusivement de footballeurs juifs, et la musique jouée en ouverture est l'Hatikva, l'hymne officiel du mouvement sioniste. Aucun joueur arabe ne participera aux quatre autres matches joués par la sélection palestinienne avant la guerre de 1948-1949 et la création de l'Etat d'Israël.

Et pour cause : la Palestine Football Association (PFA), créée en 1928 et adoubée l'année suivante par la FIFA, ne comptait que des juifs dans son conseil d'administration. Comment expliquer que les instances dirigeantes du foot aient donné leur aval à une organisation aussi peu représentative, à une l'époque où les juifs ne représentaient qu'une faible minorité de la population du mandat britannique ? D'après la Soccer Statistics Foundation, une base d'archives électroniques sur le football, cette situation serait le produit d'un vulgaire tour de passe-passe. A l'occasion de leur audition par la FIFA, les responsables de la PFA auraient recruté un représentant arabe, qui, sitôt la rencontre terminée, disparut du conseil d'administration.

Les véritables débuts de l'équipe palestinienne de football datent d'un match contre la Syrie, à Damas, en 1946. Suivent cinquante années de tribulations, indexées sur l'histoire du mouvement national palestinien. Des sélections, composées de réfugiés et patronnées par l'OLP, se produisent sur divers terrains arabes. Une nouvelle fédération en exil est formée en 1962. C'est finalement en octobre 1993, dans la foulée de la poignée de main Rabin-Arafat sur la pelouse de la Maison Blanche, que la Palestine parvient pour la première fois à jouer sur son sol. Un match plein d'émotions, sur un terrain de fortune de Jéricho, l'oppose aux anciennes stars de l'équipe tricolore - Platini, Giresse, Tigana - réunis au sein du Variétés Club de France.

En 1998, la Palestine fait enfin son entrée dans la FIFA. Un rang qu'elle honore l'année suivante avec une médaille de bronze inattendue aux Jeux panarabes de Jordanie. Mais les ennuis reprennent avec le début de l'Intifada en 2000. Otage des restrictions israéliennes, à court d'argent, l'équipe épuise dix entraîneurs en huit ans. Sa dernière victoire remonte au mois d'avril 2006 (4-0 contre le Cambodge). La sélection atteint son meilleur classement FIFA : 115e. Depuis le début de l'année, l'équipe n'a joué que deux fois. Du coup, les pronostics pour le match de dimanche sont prudents. D'autant que six des habitués de l'équipe, dont le capitaine Saëb Jendeya, sont bloqués à Gaza. "Un match nul, ce serait bien", dit le coach Izzat Hamzeh, avant d'ajouter : "Le résultat ne compte pas. C'est l'événement qui importe..."

Sources
Le Monde

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans palestine

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article