Les tirs du Hezbollah visent-ils les civils ?

Publié le par Adriana Evangelizt

Les tirs du Hezbollah visent-ils les civils ?
par Jonathan Cook

Jonathan Cook est écrivain et journaliste, il habite Nazareth, Israël.

Son livre Sang et Religion : démasquer l’Etat juif et démocratique, est publié par Pluto Press.

Son site : http://www.jkcook.net

 

Si une roquette du Hezbollah vient toucher une ville israélienne où se trouve une usine d’armement, devons-nous la considérer comme une attaque sur les civils ou sur le site militaire ?
Un lecteur Internet me demandait récemment si d’autres que moi prétendaient que les tirs de roquette du Hezbollah pouvaient ne pas être si aveugles ou malveillants pour les civils israéliens qu’on le supposait généralement. J’ai dû reconnaître que j’avais creusé le sujet en solitaire. Ceci dit, il n’y a aucune raison en soi de rejoindre tous les autres, même si l’ensemble des principaux journaux ainsi que des organismes comme Human Rights Watch sont tous d’accord entre eux.

D’abord, laissez moi expliquer ceci. Je ne prétends pas que le Hezbollah ne tire que sur les sites militaires ni qu’il ne vise jamais de civils. D’après l’armée israélienne, plus de 3 300 roquettes ont été lancées sur Israël durant ces 4 dernières semaines. Comment puis-je savoir, ou pourrais-je prétendre savoir, où ont atterri toutes ces roquettes, ou savoir, pour chacune d’elles, quelle était la cible que les tireurs du Hezbollah voulaient atteindre ? Je n’ai jamais affirmé cela.

Ce que j’ai avancé par contre relève d’une double argumentation.

D’abord, nous ne pouvons pas aisément déterminer sur quoi le Hezbollah essaie de tirer du fait qu’Israël a positionné la plupart de ses camps militaires, de ses fabriques d’armes et installations militaires auprès, ou à l’intérieur, des communautés civiles. Si une roquette du Hezbollah vient toucher une ville israélienne où se trouve une usine d’armement, devons-nous la considérer comme une attaque sur les civils ou sur le site militaire ?

L’accusation portée contre le Hezbollah au Liban - selon laquelle il se « mêlerait lâchement » aux civils selon Jan Egeland de l’ONU - peut, en vérité, se retourner de façon bien plus probante contre l’armée israélienne. Alors qu’il y a peu de preuves convaincantes démontrant que le Hezbollah tire ses roquettes à partir de villes et villages du sud du Liban, ou que ses combattants se cachent parmi les civils, il n’y a pas l’ombre d’un doute : les camps et installations militaires israéliens sont basés dans les communautés, dans le nord d’Israël.

Un point évident que personne ne semble remarquer doit être soulevé - et étant donné le silence radio de ces dernières heures, Israël espérait bien que personne ne le fasse - c’est que les 12 soldats qui ont été tués dimanche au Kfar Giladi par une roquette du Hezbollah s’étaient, selon la définition même d’Egeland, « mêlés lâchement » à la population civile de cette communauté. Nous savions qu’il y avait encore des civils à Giladi parce que les médias israéliens avaient dit comment ils avaient réagi aux tirs de roquettes.

La seconde partie de mon argumentation concerne la censure de l’armée israélienne qui empêche les journalistes étrangers basés en Israël, y compris moi-même, d’indiquer où frappent les roquettes du Hezbollah et quelles ont pu être leurs cibles. Selon les règles de la censure, il est impossible de faire mention de tout ce qui touche à la sécurité ou à la défense d’Israël : la localisation des installations militaires, par exemple, ne peut être divulguée. Cela serait soutenable s’il était possible au moins d’écrire vraiment à propos d’une attaque du Hezbollah contre un site militaire, en Israël.

Je vais par conséquent avancer avec précaution dans ce que je vais dire, me reposant sur des informations déjà officiellement disponibles mais qui, au moins, remettent en cause les idées simplistes accusant le Hezbollah de tirer des roquettes, aveuglement et délibérément, pour tuer des civils. J’avance deux éléments d’infos fournis par BBC Monde.

-  Mardi, Katya Adler, de la BBC, est intervenue depuis la communauté nordiste de Kiryat Shmona qui avait subi le pilonnage le plus nourri de roquettes du Hezbollah, et d’où de nombreux habitants avaient fui durant le mois écoulé. Comme elle se tenait dans une rue du centre, décrivant les conditions difficiles dans lesquelles vivaient les familles restantes, il lui fallait crier à cause de coups de tonnerre, scandés, qui semblaient bien être les tirs d’un char israélien sur le Liban. Elle n’a donné aucune explication sur ces tirs - et étant donné les lois de la censure, je suppose qu’elle ne le pouvait pas. Mais alors il faut soulever la question du coût réel d’une cible civile comme Kiryat Shmona.

-  Autre point à observer. Pendant ces 4 semaines de combat, la BBC a eu un présentateur et une équipe de tournage installés dans les hauts de Haïfa, sur un site appelé Panorama qui surplombe les jardins magnifiques de Bahia. Comme le nom le laisse penser, de là-haut, l’équipe avait une vue complètement dégagée sur le port et les docks, et sur toute la baie qui remonte jusqu’à Acre.

Cet endroit où les présentateurs de la BBC se tenaient, nous informant régulièrement qu’ils entendaient les hurlements des sirènes avertissant la population d’Haïfa de se rendre aux abris, est dans le centre de cette ville tentaculaire et à son point le plus haut, l’un des secteurs les plus développés et habités de Haïfa. Comment les présentateurs de la BBC ont-ils pu rester là, calmement, tous les jours durant ces semaines, sous les tirs de barrages de roquettes ? Parce que tout montre que le Hezbollah n’a pas essayé de toucher le centre de Haïfa, là où il aurait été certain de causer énormément de victimes si ses roquettes touchaient leurs cibles ou même déviaient un peu.

Par contre et comme les journalistes de la BBC nous l’ont montré à plusieurs reprises, l’écrasante majorité des roquettes est tombée sur le port qui est presque abandonné, ou si le tir était trop court, dans la baie - à l’occasion, bizarrement, il pouvait être un peu trop long, comme dimanche, quand une roquette a atterri sur le quartier arabe, près du port, tuant deux habitants.

Si le premier but du Hezbollah est de tuer le plus de civils possibles à Haïfa, alors, il procède d’une bien étrange façon - sauf à croire qu’il ne pourrait envoyer ses roquettes 1 km plus loin pour toucher le centre de Haïfa. Par contre, comme c’est clairement montré par les caméras de la BBC, le port comprend de nombreux sites à caractère bien plus « stratégique » que les routes, les ponts, les laiteries et les centrales électriques qu’Israël détruit au Liban : il s’y trouve des raffineries de pétrole, les docks maritimes et d’autres installations que, oui, je ne peux citer à cause de la censure.

Pour le moins, nous devrions admettre que le Hezbollah ne vise pas toujours des cibles civiles, et très probablement ne vise pas principalement les civils, ce qui en partie explique le nombre relativement faible de victimes civiles israéliennes.

Cela dit, il y deux critiques recevables, les deux faites par Human Rights Watch, à l’encontre des tirs de roquettes du Hezbollah - on peut adresser exactement les mêmes, ou pire, à l’armée israélienne. Ceux qui, à la différence de HRW, n’évoquent que le Hezbollah sont peu sincères ou des hypocrites.

La première critique est que le Hezbollah remplit de nombreuses roquettes avec des billes. Et la plupart des éreinteurs du Hezbollah se servent de cela comme d’une preuve absolue que l’intention unique du mouvement est de tuer et de blesser des civils. Quiconque a observé les dégâts provoqués par une roquette Katyusha a pu constater que ce n’était pas une arme très puissante : elle fait surtout un trou à l’impact. Le plus grand danger vient des éclats et de ce qu’on a mis dans la roquette - comme les billes de roulements - et qui est projeté à l’explosion. Les éclats peuvent tuer des civils à proximité naturellement, comme ils peuvent aussi atteindre des soldats - comme on l’a vu au Kfar Giladi - et comme ils peuvent percer l’acier des chars qui utilisent du liquide inflammable, comme l’essence, et provoquer des explosions.

Les dégâts provoqués par les billes de roulement ne constituent pas une preuve en soi que le Hezbollah essaie de tuer des civils israéliens, pas autant que l’usage par Israël des bombes à faisceaux bien plus meurtrières, qui constitue une preuve de son intention de tuer des civils libanais. Les deux agissent selon les réalités horribles de la guerre : ils veulent infliger le plus de dommages possibles à chaque tir de projectile. C’est déplorable, mais ainsi est la guerre.

La seconde critique faite par HRW est relative au caractère rudimentaire des roquettes du Hezbollah et au manque de système de guidage sophistiqué, ce qui les rend comme aveugles. Cette opinion est erronée, à la fois dans la logique et dans la sémantique. Comme j’ai essayé de le montrer, les roquettes ne sont pas tirées la plupart du temps de façon aveugle (bien qu’il y ait vraisemblablement des ratés, comme pour les missiles israéliens) ; disons plutôt qu’elles ne sont pas précises.

Ceci, selon Human Rights Watch, permet de qualifier les attaques de roquettes du Hezbollah comme crimes de guerre. C’est peut-être vrai, mais cela signifie naturellement aussi que les attaques de missiles par d’Israël et le bombardement du Liban sont des crimes de guerre pareillement, et à une plus grande échelle. Les attaques du Hezbollah contre les civils peuvent être intentionnelles, ou elles peuvent être le résultat d’un système de guidage imprécis mais cherchant à toucher des cibles militaires. Les attaques d’Israël contre les civils sont ou intentionnelles, ou le résultat d’un système de guidage précis avec une grosse erreur, allant jusqu’à l’imprudence, des services de renseignements de l’armée.

Pour terminer, que faut-il penser de l’argument en défense des partisans d’Israël selon lequel les forces aériennes essaient d’éviter de nuire aux civils libanais en informant avant une attaque pour les avertir qu’ils doivent quitter les lieux ? Ce que signifie cet argument, c’est que restent, dans le sud, seulement les membres du Hezbollah ou ceux qui lui prêtent assistance, et ils deviennent par conséquents les cibles. (L’argument ignore naturellement les centaines de civils tués sur les secteurs qui n’ont pas été informés ou qui sont touchés par des missiles alors qu’ils essayaient de fuir, comme ordonné).

Le Hezbollah, bien sûr, fait précisément la même chose. Dans ses discours, son chef, Hassan Nasrallah, a averti à plusieurs reprises les habitants israéliens de secteurs comme Haîfa, Afula, Hadera et Tel Aviv que le Hezbollah allait viser ces villes avec ses roquettes, et ce, des jours avant qu’il ne le fasse. Le Hezbollah peut prétendre à juste titre et pareillement, qu’il a averti honnêtement les Israéliens de ses attaques sur les communautés civiles, et que ceux qui restent ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Ce débat est important car il détermine pour les mois et les années à venir qui sera condamnable par la communauté internationale - et par les futurs historiens - pour avoir commis des crimes de guerre. Le Hezbollah mérite par équité d’être entendu autant qu’Israël, bien qu’en ce moment, il est davantage certain qu’il n’y parvienne pas. Comme toute armée dans une guerre, le Hezbollah peut ne pas agir avec humanité. Mais il agit manifestement dans les mêmes règles que l’armée Israélienne, et probablement à un niveau plus élevé, au vu du positionnement de cibles militaires israéliennes parmi les secteurs civils. Le fait que l’avis contraire soit presque universellement exprimé trahit, plus que tout, nos préjugés à l’égard des actes du Hezbollah.

Sources : CCIPPP

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans HEZBOLLAH

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