Les deux Palestine, l'unité en lambeaux

Publié le par Adriana Evangelizt

Un article du Monde qui fait gloser le petit Sionistan du web... et oui, si vous voulez être décoré par le B'nai B'rith, comme certains journaleux du Figaro, il faut dire du bien d'Israël et de ses dirigeants. Si vous avez le malheur de dire la vérité, à savoir que la Palestine est colonisée et que l'occupant perpètre le pire, alors là tout s'envenime... les malheureux journalistes osant faire leur travail en savent quelque chose...

Les deux Palestine : l'unité en lambeaux

par Benjamin Barthe

Dans l'appellation officielle "Territoires occupés palestiniens", le pluriel est, plus que jamais, de rigueur. Au découpage géographique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza se superposent désormais plusieurs sous-divisions, modelées en Cisjordanie par la "barrière de séparation" israélienne, les colonies et les barrages militaires.

Cette fragmentation se double, depuis la victoire du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) aux élections législatives de janvier 2006, d'un phénomène de polarisation politique. Les accrochages récurrents entre islamistes partisans du premier ministre, Ismaïl Haniyeh, et miliciens du Fatah fidèles au président, Mahmoud Abbas, contribuent à brouiller plus encore l'image de ce pays-puzzle. Face aux Israéliens, les Palestiniens avaient longtemps préservé l'intégrité de leur mouvement national. Divisés en territoires disjoints et en camps rivaux, ils voient s'éloigner leur rêve non seulement d'Etat, mais d'unité face à l'occupant.


DEUX ENTITÉS DISPARATES.

La Cisjordanie et Gaza, comme entités particulières, sont nées de la défaite des Palestiniens et des armées arabes face à l'Etat juif créé en 1948. Dite "Ligne verte", la frontière de l'armistice, délimitée un an plus tard, laisse aux Palestiniens 22 % de leur patrie historique, en deux morceaux.

La bande de Gaza est alors administrée par l'Egypte et la Cisjordanie annexée par la Jordanie, puis toutes deux sont occupées, à partir de 1967, par Israël. Elles devaient être rétrocédées par étapes à l'Autorité palestinienne, selon la logique établie par les accords de "reconnaissance mutuelle" signés en 1993 à Oslo entre Israël et l'OLP. Ce processus chaotique, entravé par la poursuite de la colonisation israélienne et des attentats-suicides palestiniens, a été interrompu en 2000 par l'échec du sommet de paix de Camp David, auquel a succédé la deuxième Intifada. A cette date, l'Autorité contrôlait, seule ou en partage avec Israël, des confettis éparpillés sur 40 % de la Cisjordanie et 70 % d'une bande de Gaza clôturée depuis le début des années 1990.

Très vite, les liens qui unissaient les deux territoires sont coupés par l'armée israélienne. Aujourd'hui, hormis quelques rares hommes d'affaires ou personnalités du Fatah, aucun Palestinien ne circule plus entre Gaza et la Cisjordanie. Les accords d'Oslo stipulaient qu'ils forment une seule entité, mais le "passage protégé" promis et réaffirmé par un accord en 2005 n'a jamais vu le jour.


DEUX BASTIONS RIVAUX.

Le retrait israélien de la bande de Gaza, en août 2005, et la victoire du Hamas aux élections législatives de janvier 2006 ont conféré une coloration politique à ce processus de dissociation.

Parce que Tsahal (l'armée israélienne) patrouille à sa guise en Cisjordanie, le Hamas y est affaibli : ses cellules clandestines ont été pour la plupart démantelées, ses organismes de charité fermés et la plupart de ses responsables politiques arrêtés. Du coup, même si sa popularité reste forte en Cisjordanie, notamment à Naplouse et à Hébron, sa visibilité réduite autorise le Fatah à y régner en maître. Les forces de police, qui lui sont restées fidèles, ont réprimé sans pitié les manifestations organisées par les islamistes à Naplouse et à Ramallah en soutien à ceux de Gaza.

Là-bas, en revanche, le Hamas dispose de la liberté de manoeuvre, des moyens et des hommes pour tenir tête au Fatah. La création de la Force exécutive du ministère de l'intérieur (6 000 hommes) lui a permis de prendre l'ascendant, dans les combats de rue, sur les troupes de Mahmoud Abbas. De plus, le profil sociologique de la bande de Gaza, où la population est composée à 70 % de réfugiés (30 % en Cisjordanie), offre aux islamistes un vaste réservoir de voix.


DEUX STRATÉGIES OPPOSÉES.

Pour sortir de la crise, les deux mouvements usent de stratégies différentes. Le Fatah s'appuie sur sa légitimité historique, l'omniprésence de ses cadres aux postes de direction et l'élection de Mahmoud Abbas à la présidence pour maintenir son emprise sur les institutions du "non-Etat" palestinien. Le Hamas argue du verdict des urnes pour conserver le pouvoir que le boycottage de la communauté internationale lui a, de facto, ôté.

Incapables de s'accorder sur un gouvernement d'union, les deux rivaux croient avoir trouvé la parade : des élections anticipées pour le Fatah, un appui sur l'Iran pour le Hamas. Ce faisant, l'un et l'autre se paient de mots. Morcelé en autant de cellules qu'il compte d'ambitieux, miné par les soupçons de corruption, le Fatah n'a pas fait le ménage interne qui pourrait lui valoir un soutien renouvelé de l'opinion. Grisé par son ascension, le Hamas se croit dispensé d'accommoder son idéologie aux contraintes de l'exercice du pouvoir.

Les deux mouvements foncent tête baissée l'un vers l'autre, alors que la rue réclame l'unité. Les sondages le montrent constamment : la victoire du Hamas n'a pas entamé le soutien de l'opinion à des négociations avec Israël sur la base de deux Etats pour deux peuples. Les Palestiniens ont, pour ainsi dire, élu les représentants du Hamas pour appliquer le programme du Fatah. Mais les appareils des deux partis refusent d'en tirer les conséquences.


DEUX QUOTIDIENS DIFFÉRENTS.

Avec la répression de l'Intifada, le fractionnement territorial engagé par Israël durant le processus de paix en Cisjordanie s'est poursuivi : construction du "mur de séparation", qui annexe de fait 10 % des terres palestiniennes, extension territoriale des colonies, interdiction du trafic aux Palestiniens sur une trentaine de routes réservées aux seuls Israéliens, encerclement des villes et des villages à l'aide de 534 barrages, dont la forme va du bloc de pierre au terminal d'accès fortifié.

Ces mesures discriminatoires, prises au nom de la sécurité d'Israël, aboutissent au démembrement de la Cisjordanie en cinq simili-cantons, eux-mêmes subdivisés et entre lesquels les possibilités de circulation sont longues, coûteuses et aléatoires. De plus, deux d'entre eux, Jérusalem-Est et la vallée du Jourdain, sont interdits d'accès à tous ceux qui n'y résident pas officiellement. Le seul territoire réellement "autonome" est donc Gaza, une bande de terre désolée, surpeuplée et totalement "bouclée".

Entre les deux "territoires palestiniens", le quotidien est bien différent. Les Gazaouis ne peuvent travailler et circuler librement qu'à l'intérieur de Gaza et vivent donc dans une grande pauvreté. Les Palestiniens de Cisjordanie, eux, connaissent des contraintes économiques et sociales moindres, mais leurs terres sont sans cesse rognées et chacun reste à la merci de l'occupant pour la moindre activité, surtout si elle nécessite un déplacement.

Sources
Le Monde

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans OCCUPATION

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