Mourir pour la paix : l'histoire de Tom Hurndall

Publié le par Adriana Evangelizt

Mourir pour la paix : l'histoire de Tom Hurndall


Par Mohammed Al Shafey



Il est douloureux pour Jocelyn de revivre ses souvenirs lorsqu'elle parle de sa souffrance alors qu'elle errait dans les couloirs de l'hôpital Soroka de Beer Sheva à la recherche de son fils qui venait de se faire tirer dessus.

Elle est la mère de Thomas Hurndall, un militant de la paix britannique qu'un sniper israélien a touché à la tête alors qu'il essayait de protéger des enfants palestiniens en pleine ligne de tirs à Rafah, dans la Bande de Gaza, en avril 2003.

"Il y avait beaucoup de Palestiniennes, vêtues de noir, à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments de l'hôpital", dit Jocelyn, "et un vieil homme tout en blanc."

Elle dit que d'abord, elle a cru qu'ils venaient rechercher leurs enfants, jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'ils étaient là pour son fils, Tom.

Tom a reçu une balle lorsqu'il tentait de venir au secours d'enfants palestiniens pendant une manifestation, à Rafah, il a été touché par une balle tirée sur lui par un soldat des Forces israéliennes de défense.

Après un coma de neuf mois dans un hôpital londonien, Tom a perdu sa lutte pour la vie. Sa mère dit : "Je regardais les visages des Palestiniens les plus âgés autour de moi, quelquefois ils me parlaient en Arabe ou en silence. Je voyais leurs yeux brillants de larmes et les rides de la souffrance sur leurs visages ; avec eux, j'ai eu l'impression que le temps s'était arrêté."

Aujourd'hui, elle considère Salem, le petit garçon de 9 ans que Tom a sauvé en perdant sa propre vie comme un membre de sa famille.

Asharq Al Awsat a rencontré la mère de Tom, Jocelyn, dans une rue tranquille du nord-ouest de Londres deux jours après la publication de son nouveau livre "Défier les étoiles", qui a été publié pour le quatrième anniversaire de l'accident de son fils. A l'intérieur de la maison, arrangée avec élégance et soin, il y a beaucoup de photos de Tom à toutes les étapes de sa vie : petit garçon et jeune homme, étudiant en journalisme et photographie à l'Université métropolitaine de Manchester, et comme jeune militant et membre de l'International Solidarity Movement (ISM), engagé pour la cause palestinienne. Les images et les souvenirs sont étalés dans toutes les pièces ; sa mère dit que beaucoup des photos ont été prises par son amie, Michelle.

Jocelyne parle des moments difficiles qu'elle a traversés après que Tom soit blessé et se rappelle clairement le moment où Sophie, sa fille, lui a téléphoné à l'école où elle travaille pour lui dire que Tom était gravement blessé par balle après avoir servi de bouclier humain pour protéger des enfants à Rafah.

Elle se souvient de son arrivée à l'aéroport international de Ben Gourion le 14 avril 2003 à 5h30 du matin et d'avoir été reçue par un diplomate britannique trois jours après l'accident. A 13h, elle était en face de la colline où son fils avait été blessé. C'est là qu'elle a vu les Palestiniennes vêtues de noir, "J'ai ressenti que nous souffrions de la même perte et que nos deuils étaient partagés. Ces femmes perdent leurs enfants tous les jours dans la résistance. J'ai senti que Tom était devenu un de leurs héros ou un de leurs fils".

Bien qu'elle ait été témoin de manifestations de racisme en Afrique du Sud, Jocelyn dit qu'il lui a été facile de discerner la différence et le niveau et réaliser que ce que les Palestiniens subissent quotidiennement sont des violations graves des droits de l'homme. A l'hôpital, elle a trouvé une infirmière israélienne pleurant amèrement devant la porte de la chambre de son fils, demandant pardon pour ce que les soldats israéliens avaient fait à son fils.

"A mon arrivée à l'hôpital, les médecins m'ont informée qu'il ne restait à Tom que quelques jours à vivre car sa blessure était très grave. Il souffrait de plusieurs fractures du crâne. La balle s'était logée dans son cerveau et avait laissé des traces qui l'ont gravement endommagé.", dit-elle.

Elle ajoute : "Nos vies ont été complètement bouleversée après ce qui est arrivé à Tom. J'ai quitté l'école où je travaillais et où je devais être promue principal. Nous sommes restés près de Tom, à l'hôpital israélien, pendant deux mois. Mon mari Anthony, mes enfants Sophie, Billy et Freddie et moi-même nous relayions à son chevet. Nous avons pu ensuite le faire transférer dans un hôpital en Grande-Bretagne."

Mais Jocelyn dit qu'elle n'avait pas essayé d'empêcher son fils de militer dans les territoires palestiniens avec ISM, non plus qu'elle n'avait essayé de l'empêcher de partir à Baghdad pour photographier les boucliers humains qui s'étaient portés volontaires pour protéger les civils irakiens contre la menace d'agression US-britannique. Il était à Badhdad quand il avait appris que Rachel Corrie, une militante ISM américaine de 23 ans, avait été écrasée par un bulldozer alors qu'elle essayait d'empêcher la démolition d'une maison à Rafah.

Jocelyn explique que son fils avait un don de prévoyance et qu'il savait quel serait son chemin dans la vie. Elle savait qu'elle n'aurait jamais pu l'empêcher d'aller en Irak ou en Palestine et ajoute : "Il contrôlait son avenir et est allé vers lui selon sa propre volonté. Si je pouvais revenir en arrière, je sais que je ne pourrais rien changer à son destin. Dès mon arrivée à l'hôpital, j'ai senti qu'il pouvait ne jamais récupérer. Il est mort paisiblement, neufs mois après l'accident", dit-elle.

Pourtant, elle pense que justice n'a pas été rendue, en dépit du fait que le soldat des Forces Israéliennes de Défense (FID), l'ex-sergent Taysir Hayb, ait été accusé d'assassinat en juin 2003 et condamné à huit ans de prison. Elle raconte que pendant le procès, le soldat n'a fait que répéter encore et encore les mêmes mots : "Je n'ai fait qu'obéir aux ordres."

Elle estime que le vrai responsable du meurtre de son fils est la machine militaire israélienne, ou le général en charge de l'entraînement des soldats des FID stationnées dans le sud. Ce même général a été entendu au procès et a loué le soldat qui a tué son fils, soulignant sa moralité et son excellente conduite. On a appris plus tard que ce même soldat avait été emprisonné auparavant pour usage de drogue. Elle reste insatisfaite parce que le soldat a été jugé pour le tir alors que les officiers n'ont fait l'objet d'aucune accusation. "Ce sont les politiciens israéliens et les responsables militaires qui ont entraîné l'assassin de mon fils qui devraient être en prison", dit-elle.

Madame Hurndall explique que l'affaire est toujours en cours chez le procureur général britannique Lord Goldsmith, en attente de détails provenant de rapports médico-légaux israéliens qui permettraient d'autres arrestations et rendraient la justice tant attendue. "Il y avait des cameras de surveillance sur le site mais elles étaient tournées du côté égyptien de la frontière de Rafah. Si ces cameras avaient été dirigées dans l'autre direction, nous aurions pu avoir davantage de détails sur le tir", dit-elle.

"Jusqu'à ce jour, j'attends toujours que le Premier Ministre britannique, Tony Blair, condamne l'administration militaire israélienne, mais en dépit de mon impatience, ce n'est pas encore arrivé. J'ai une fois l'occasion de lui demander personnellement et avec colère de condamner l'accident mais c'est devenu clair qu'il avait ses propres intérêts à protéger, en plus d'être préoccupé par le puissant "lobby juif" en Grande-Bretagne".

Au niveau officiel, le gouvernement n'a pas fait grand-chose. En dépit de nombreuses déclarations officielles selon lesquelles le gouvernement britannique exerçait des pressions sur le gouvernement israélien pour que les investigations sur la mort de son fils soient menées avec la transparence et l'impartialité requises, elle maintient que leurs promesses n'étaient pas sincères. Toutefois, elle ajoute qu'un groupe de parlementaires britanniques de la Chambre des Communes l'a soutenue.

Après des tentatives et des échecs répétés de rencontre avec un officiel israélien, c'est la veille de leur départ d'Israël que la famille Hurndall a été reçue au ministère israélien des affaires étrangères. On l'a assuré que les soldats israéliens n'avaient pas vu Tom parce que leur champ de vision était réduit par des bâtiments. Anthony, le père de Tom, a protesté disant qu'il y avait une tour de contrôle et des caméras et a demandé à voir les enregistrements vidéo, mais on lui a dit qu'il n'y en avait pas.

Jocelyn continue de raconter qu'au ministère, on leur a remis un chèque sans provision d'une valeur de 8.370£ (12.300€). Et bien que la somme soit destinée à couvrir les frais de transfert de son fils vers la Grande-Bretagne et ne représentent qu'une fraction de la dépense réelle, ils n'ont toujours rien touché.

Mais les Hurndall continuent à recevoir des lettres de soutien du monde entier, y compris de Palestine. Tom est le troisième membre d'ISM à avoir été tué ou blessé dans les territoires palestiniens au cours du même mois. Lorsqu'Anthony Hurndall, avocat, a essayé d'écrire un rapport composé de témoignages montrant la responsabilité de l'armée israélienne dans la mort, le rapport édité par Israël était plein de mensonges, de faits et comptes rendus contradictoires, de désinformation et même d'un communiqué disant que c'est un Palestinien qui a tiré sur son fils. Une des notes dit que Tom était le tireur qui a ouvert le feu.

Au cours du procès du soldat israélien, l'armée israélienne a fait référence à un expert médical qui a reproché aux médecins britanniques d'avoir dit qu'ils avaient donné à Hayb une forte dose de morphine. La carte incluse dans le rapport était fausse ; l'endroit où Tom était tombé était faux. Il y avait des rapports contradictoires sur le nombre de balles tirées, et il était dit que toutes avaient été tirées pour disperser la manifestation.

"Les généraux ferment les yeux sur ce qui se passe dans les territoires palestiniens contre les citoyens arabes", dit Jocelyne.

Taysir Hayb, l'ex-sergent emprisonné pour avoir tiré sur son fils, est un bédouin arabe qui lui a semblé souffrir de difficultés d'apprentissage, en plus de ne pas être capable de parler ou de lire l'hébreu. Elle souligne qu'on sait que beaucoup de bédouins arabes intègrent l'armée israélienne pour améliorer leur statut social.
"Lorsque le verdict est tombé, j'ai ressenti que mon fils était la victime d'une autre victime car ce sont les responsables militaires qui auraient dû être poursuivis."

Sa voix tremble et ses yeux sont pleins de larmes lorsqu'elle se souvient du vieux Palestinien qui s'est précipité à ses côtés quand elle est arrivée la première fois, avec le diplomate britannique, à l'endroit où Tom est tombé.

"
Le temps a gravé sur son visage les sillons de la souffrance. Il m'a parlé en arabe et a fait des gestes avec ses mains, ses yeux remplis de larmes. C'est comme s'il voulait me dire que nous partagions la même peine parce que leurs fils meurent tous les jours.
J'ai été tellement traumatisée de voir comment ils vivent et endurent une telle vie sous occupation israélienne. Même les vieilles femmes, bien que silencieuses, transmettaient que là était une famille européenne partageant la peine qu'ils doivent endurer tous les jours, le danger avec lequel ils doivent survivre et contre lequel se battre.
C'était le plus simple et le plus poignant des messages
."


A VOIR : "le reportage sur la mort de Tom Hurndall" - durée : 4 mn 01 s

Sources ISM

Posté par Adriana Evangelizt

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